La prière toute pure.
Voici résumée dans une instruction de Jean de Lycopolis, la doctrine sur la relation entre la pureté de la conscience et la faculté d'atteindre Dieu : « Le but de la vie solitaire est d'offrir à Dieu des prières si pure que la conscience du solitaire ne puisse rien lui reprocher... que l'on ne s'imagine nulle forme en Dieu... pur esprit qui peut bien se faire sentir... mais non pas être compris, être limité. »
La principale chose à quoi les solitaires doivent travailler est d'offrir à Dieu des oraisons si extrêmement pures que leur conscience ne leur puisse rien reprocher, ainsi que Notre-Seigneur nous l'apprend dans l'Évangile par ces paroles : « Lorsque vous êtes en prière, si vous vous souvenez d'avoir reçu quelque déplaisir de votre frère, pardonnez-lui de tout votre coeur, puisque si vous ae le faites, votre Père qui est dans le ciel ne vous pardonnera point aussi vos fautes. » Si donc, comme je l'ai déjà dit, nous nous présentons devant Dieu avec une conscience pure et exempte de tous ces défauts et de toutes ces passions dont j'ai parlé, nous pourrons voir Dieu autant qu'il peut être vu en cette vie et élever vers lui dans nos prières l'oeil de notre entendement pour contempler sinon du corps et avec des regards sensibles, au moins de l'esprit et par une connaissance intellectuelle, celui qui est invisible. Car que nul ne se persuade de pouvoir contempler sa divine essence telle qu'elle est en elle-même et ne forme pour cela dans son esprit quelque image qui ait du rapport à une figure corporelle. Que l'on ne s'imagine nulle forme en Dieu, ni aucunes limites qui le bornent; mais qu'on le conçoive comme un pur esprit, qui peut bien se faire sentir et pénétrer les affections de nos âmes, mais non pas être compris, être limité, ou être représenté par des paroles. Ce qui fait que nous ne devons approcher de lui qu'avec un profond respect et une très grande crainte, ne le considérer par nos regards intérieurs crue d'une telle manière que notre âme sache qu'il est infiniment élevé au-dessus de toute la splendeur, de toute la lumière, de tout l'éclat et de toute la majesté qu'elle est capable de concevoir, quand même elle serait toute pure et exempte de toutes les taches et les souillures de la volonté corrompue.
Il faut que ceux qui font profession de renoncer au siècle et de suivre Dieu, travaillent principalement à ce que je viens de dire, suivant cette parole du psalmiste : Apprenez et considérez que je suis le Seigneur. Car celui qui le connaît autant qu'un homme le peut connaître, acquerra ensuite d'autres connaissances, même des plus grands mystères, puisque plus son âme sera pure, et plus Dieu lui révélera de choses et lui découvrira ses secrets, parce qu'alors il se considérera comme son ami et comme il considère ceux dont notre Sauveur dit dans l'Évangile : « Je ne vous nomme plus mes serviteurs, mais mes amis », et ainsi il lui accordera comme à un ami qui lui est très cher, l'effet de toutes ses demandes. Les anges et tous les bienheureux esprits qui sont dans le ciel, le chériront aussi comme étant l'ami de Dieu et de leur maître ; ils satisferont à tous ses désirs et on pourra dire de lui véritablement : Que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni aucune autre créature ne seront capables de le séparer de l'amour de Dieu qui réside en Jésus-Christ. (H. M., 1. P. L., 21, 397.)