Zénon sur la montagne d'Antioche.
L'admirable Zénon a été connu de peu de personnes, mais ceux qui ont eu ce bonheur demeurent d'accord qu’on ne saurait autant le louer qu'il le mérite. Il était de la province du Pont, où ayant de très grands biens il les quitta, et selon ce qu'il rapportait lui-même, passa en Cappadoce qui en est proche, pour être arrosé des eaux de la grâce, que le grand saint Basile répandait en abondance dans cette province, et qu'il versa sur son âme, laquelle porta ensuite des fruits dignes d'un arrosement si salutaire. Car aussitôt après la mort de l'empereur Valens, auprès duquel il avait une charge, il renonça à son emploi, et passant de la cour dans l'un de ces sépulcres qui sont en si grand nombre sur la montagne d'Antioche, il y demeurait seul et s'occupait à purifier son âme, à dissiper les nuages qui en obscurcissaient la lumière, à contempler les grandeurs de Dieu, et à disposer son cœur pour se rendre digne de le recevoir, l'extrême désir qu'il avait de s'envoler dans le ciel pour se reposer dans son sein, lui faisant souhaiter avec ardeur d'avoir les ailes de cette sainte colombe dont il est parlé dans l'Écriture. Étant dans de si excellentes dispositions, il n'avait ni lit, ni lampe, ni feu, ni marmite, ni coffret, ni livre, ni quoi que ce soit; mais il portait seulement de vieux habits, et des souliers si usés qu'il n'y avait pas même de quoi les attacher, et recevait d'un de ses amis la nourriture dont il ne se pouvait passer, qui était un pain, lequel lui durait deux jours. Quant à l'eau il l'allait puiser lui-même fort loin de là. Comme il en apportait un jour, quelqu'un considérant la peine qu'il avait, le pria de trouver bon qu'il l'en soulageât, à quoi il résista d'abord, disant qu'il ne pouvait se résoudre à boire de l'eau qu'un autre lui eût apportée. Enfin voyant qu'il insistait toujours il lui donna les deux cruches qu'il tenait en ses deux mains, mais elles ne furent pas plutôt arrivées à la porte du saint que toute cette eau se répandit, et l'événement ayant ainsi confirmé ce qu'il avait dit, il retourna en puiser à la fontaine. (Théod., 12. P. L., 74, 64.)