1.
Nous avons vu par votre lettre que vous êtes en possession de l'héritage que le Seigneur a laissé à ses apôtres, lorsque retournant vers son Père il leur dit : «Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix; » et de la félicité qu'il leur a promise lorsqu'il a déclaré « heureux les pacifiques. » Vous caressez en père, vous instruisez en maître, vous ordonnez en évêque. Vous êtes venu nous voir, non pas la verge à la main, mais dans un esprit de charité, de douceur et de paix, pour nous donner dès la première de vos instructions un parfait exemple de l'humilité de Jésus-Christ qui, venant sauver les hommes, n'est point entré dans le monde armé de foudres et de tonnerres, trais y est né dans une étable, commençant sa vie par des cris et des soupirs comme les autres enfants, et la finissant sur la croix dans un profond silence. Vous aviez lu ce qui est écrit de lui dans la personne de celui qui n'en était que la figure: « Seigneur, souvenez-vous de David et de son extrême douceur; » et ce qu'il dit aussi de lui-même en sa propre personne : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. » C'est sur cet excellent modèle que vous vous êtes réglé à votre arrivée. Vous avez parcouru le vaste champ des Ecritures, comme une abeille parcourt les fleurs des campagnes; vous avez su l'art d'y ramasser dans un discours plein d'éloquence tout ce qui était le plus propre à nous inspirer l'amour t'e la paix; et comme cette paix était le but où nous tendions, et que nous avions dejà commencé à courir pour l'atteindre, vos discours ont augmenté notre ardeur et hâté notre course. Comme elle était le port où nous souhaitions d'arriver, et que nous avions déjà tendu les voiles pour cela, vos exhortations, comme un gent favorable, sont venues enfler ces voiles pour nous faire arriver plus tôt; en sorte que bien loin d'avoir eu de la répugnance à entrer dans les sentiments de concorde et d'union que vous veniez nous inspirer, nous les avons reçus au contraire avec toute la joie dont nous étions capables. Mais que nous sert-il de vouloir la paix, si tout notre pouvoir se borne à la souhaiter inutilement, sans être en état de nous la procurer? Car si nous avons la consolation de savoir que Dieu ne laisse pas même la simple volonté du bien sans récompense, il nous reste toujours un juste sujet de douleur de nous voir réduits à laisser imparfait un ouvrage dont nous souhaitons l'accomplissement avec tant d'ardeur. L'Apôtre le savait bien que, pour établir une paix solide, le consentement des deux partis est nécessaire. «Vivons, dit-il, en paix autant qu'il est en nous avec toutes sortes de personnes.» Et le prophète nous dit : « La paix, la paix. » Mais où est cette paix, et quel moyen de la trouver, si l'on se contente seulement de faire semblant de la vouloir? si lorsqu'on témoigne de bouche qu'on la désire, on travaille effectivement par sa conduite à la rompre; si l'on déclare au dehors qu'on ne souhaite que l'union et la concorde, pendant qu'on n'a autre chose en vue que de réduire tout le monde dans une dure servitude ?
Nous souhaitons la paix; et non-seulement nous la souhaitons, mais encore nous la demandons avec instance. Mais la paix que nous souhaitons est une paix sincère et véritable, une paix de Jésus-Christ, une paix sans inimitié, une paix sans guerre, une paix où l'on ne cherche qu'à gagner les autres et à se les unir par les liens d'une amitié étroite, et non pas à les traiter en ennemis avec hauteur.