36.
Aug. Tout n'est pas absurde dans ce que tu dis; mais je n'ai pas l'habitude de mettre les forces dans la grandeur du corps et les accroissements de l'âge plus que dans un certain exercice et dans la conformation des membres; et pour te prouver qu'il en est ainsi, je te demanderai si, marcher plus longtemps qu'un autre et éprouver moins de fatigue, te paraît l'effet de forces plus grandes ? — Ev. Je le crois ainsi. — Aug. Pourquoi donc, alors que j'étais enfant, et que je m'exerçais à la marche en chassant avec passion , faisais-je sans fatigue une course bien plus longue que dans la suite , quand adolescent je m'adonnais à des études qui me forçaient à être sédentaire, s'il est vrai qu'on doive attribuer des forces plus grandes à l'accroissement de l'âge , et par contre, à l'accroissement de l'âme? Les maîtres même qui exercent les lutteurs ne considèrent dans leurs corps , ni la masse, ni la taille élevée; mais dans les bras, des muscles mieux dessinés, qui apparaissent comme des noeuds saillants, et dans tout le corps je ne sais quel air où leur oeil exercé découvre surtout des preuves de force. Tout cela serait peu de chose néanmoins, si l'on n'y joignait la vigueur que donne l'art et l'exercice. Souvent même on a vu des hommes d'une grande taille vaincus par des hommes petits et grêles , soit à mouvoir des fardeaux, soit à les porter, soit même dans la lutte. Qui ne sait qu'un vainqueur aux jeux Olympiques, sera plus tôt fatigué dans la marche, que le marchand forain, qu'il renverserait du bout de son doigt? Si donc nous appelons grandes, non point toutes les forces sans distinction, mais celles qui sont plus aptes à tel but, si les linéaments et la configuration du corps sont supérieurs à leur dimension, si l'exercice a une telle puissance , que l'on ait cru ce fait célèbre d'un homme qui portant chaque jour un jeune veau, put aussi le soulever et le porter, quand il fut devenu boeuf, sans ressentir la surcharge qui avait augmenté peu à peu ; c'est que les forces qui nous viennent avec l'âge ne sont pas un signe que l'âme croit avec le corps.