51.
Maintenant une question : la Prudence consistant pour l'âme, comme nous en sommes convenus plus haut, à comprendre l'objet auquel elle doit s'arrêter et le but où elle doit atteindre par la tempérance, en d'autres termes, par la charité, qui tourne tout son amour vers Dieu, comme par le renoncement au monde, qui est un acte de force et de justice; penses-tu qu'après avoir atteint l'objet de son amour et de ses peines par une sanctification parfaite, après avoir vu son corps vivifié, les imaginations désordonnées bannies de sa mémoire, après avoir commencé sa vie en Dieu et par Dieu seul; expérimenté enfin cette promesse divine : « Mes bien-aimés , nous sommes maintenant les enfants de Dieu et on ne voit pas encore ce que nous serons mais nous savons que lorsqu'il apparaîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est1 ; » penses-tu, dis-je, que l'âme verra les vertus dont nous venons de parler subsister encore ? — L’E. Non : car les choses, contre lesquelles l'âme réagit, ayant disparu, je ne vois plus la raison d'être de la prudence, qui ne sert à porter la lumière que dans les contradictions; de la tempérance, qui ne sert qu'à détourner l'amour d'un but funeste; de la force, qui ne sert qu'à résister au malheur; de la justice, qui n'aspire à l'égalité avec les âmes bienheureuses ou à l'empire sur les êtres inférieurs, que dans les luttes qui l'empêchent d'atteindre à ses fins.
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I Jean, III,2. ↩