CHAPITRE XXXI. DIEU SE SERT DE NOUS ET N'EN JOUIT PAS.
34. Quand nous disons que nous jouissons d'une chose que nous aimons pour elle-même que nous ne devons jouir que de l'objet qui nous rend heureux, et user seulement de tous les autres, il semble qu'il reste sur ce point quelque obscurité à dissiper. Car Dieu nous aime, et chaque page des divines Ecritures nous rappelle son amour. Comment donc nous aime-t-il? Veut-il se servir de nous ou bien en jouir? Sil place en nous sa jouissance, il a donc besoin de nos biens; ce qu'on ne peut raisonnablement admettre. Tout le bien qui est en nous est-il autre que lui-même, ou ne procède-t-il pas de lui? Qui peut douter que la lumière n’a nul besoin de l'éclat des êtres qu'elle éclaire elle-même? Le Prophète aussi proclame la même vérité : « J'ai dit au Seigneur : vous êtes mon Dieu, et vous n'avez aucun besoin de mes biens 1. » Dieu donc ne jouit pas, mais il se sert de nous. En dehors de cette jouissance ou de cet usage, je ne vois pas comment il nous aimerait.
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Ps. XVI, 1. ↩