11.
Pour vous, qui avez des enfants et qui vivez à une époque où il ne s'agit pas de jeter les pierres mais de les recueillir, où il ne s'agit pas d'embrasser, mais de se soustraire aux embrassements1, vous avez médité ces paroles de l'Apôtre : « Je vous le dis, mes frères, le temps est court, la seule chose qui reste, c'est que ceux qui ont des épouses, vivent comme n'en ayant point ». De là je conclus que si vous aviez désiré un second mariage, j'y aurais vu non pas un hommage rendu à la prophétie ou à la loi, non. pas un désir même charnel d'avoir une postérité, mais une preuve d'incontinence. En effet, t'eût été de votre part la réalisation de ces autres paroles de l'Apôtre : « Il leur est bon de demeurer dans cet état; mais si elles ne peuvent se contenir, qu'elles se marient; car j'aime mieux les voir se marier que brûler2». Il voulait par là empêcher la passion de se précipiter dans la honte du crime, en lui offrant pour refuge l'honnêteté du mariage. Rendez de vives actions de grâces à Dieu de vous avoir donné d'enfanter ce que vous n'avez pas voulu être, et de ce que la virginité de votre fille compense noblement la perte de votre virginité. Si nous consultons la doctrine chrétienne, elle nous répond que sous le règne de Jésus-Christ, même le premier mariage, à moins qu'il ne soit un remède à l'incontinence, doit être rejeté. En effet, celui qui a dit: « Que ceux qui ne peuvent garder la continence, se marient », aurait pu dire également : Que ceux qui n'ont pas d'enfants se marient, si, depuis la résurrection et la prédication de Jésus-Christ, qui ont donné à toutes les nations des moyens si abondants d'engendrer spirituellement, il y avait encore, comme dans les temps primitifs, un devoir de se créer charnellement une postérité.
Il est vrai que nous lisons dans un autre passage : « Je veux que les plus jeunes se marient, qu'elles aient des enfants et qu'elles deviennent mères de famille ». Mais par ces paroles l'Apôtre se propose uniquement d'attester, avec sa prudence et son autorité apostoliques, la bonté du mariage, sans vouloir aucunement enseigner que la loi impose le devoir de la génération à ceux qui comprennent le bienfait de la continence. Du reste, sa pensée est clairement manifestée dans ces autres paroles : «Ne donner aucune occasion au démon d'exercer sa funeste puissance; car quelques-unes ont déjà quitté le bon chemin pour suivre ses inspirations». Il voulait faire entendre par là que celles à qui il permet de se marier , auraient mieux fait de garder la continence que de brûler; mais pourtant, qu'il est mieux de se marier que de subir le joug du démon, c'est-à-dire qu'il est mieux de renoncer au privilège de la virginité ou de la chasteté viduelle, que de regarder en arrière et s'exposer à une chute profonde. Que celles à qui la continence est impossible se marient donc, avant de professer la continence ou de la vouer à Dieu ; car, en violant leur veau, elles s'attireraient une trop juste condamnation. C'est de ces personnes que l'Apôtre parle dans un autre passage : « Après s'être abandonnées à la mollesse dans le service du Christ, elles veulent se marier, et méritent ainsi une effrayante condamnation pour avoir violé leurs premiers engagements ». Elles les ont violés puisque, après avoir voué la continence, elles ont voulu le mariage. Leur premier voeu était sincère, mais elles ont manqué de persévérance pour l'accomplir3.
Ainsi donc, le mariage conserve toujours son caractère de bonté; mais tandis qu'autrefois, pour le peuple de Dieu, il était un acte d'obéissance à la loi, maintenant il n'est plus qu'un remède aux faiblesses de la chair et un moyen de propagation pour l'humanité. Vouloir de la famille selon l'ordre conjugal établi, et lion selon les instincts de la brute, est un sentiment louable dans l'homme, mais bien inférieur au désir chrétien de porter ses pensées vers le ciel et de s'élever au-dessus des inclinations de la chair.