CHAPITRE II. JÉSUS A DÉTRUIT LA LOI. NI LA LOI NI LES PROPHÈTES N'AVAIENT BESOIN D'ACCOMPLISSEMENT.
Mais que dira-t-on, si du discours même où Jésus défend de croire qu'il est venu abolir la loi, on doit surtout conclure qu'il a aboli la loi? En effet, s'il n'eût rien fait dans ce sens, les Juifs n'eussent pas conçu de soupçons. Mais il leur dit : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ». Eh bien ! si les Juifs lui eussent répondu : Pourquoi faites-vous donc des choses qui nous induisent à le soupçonner? Est-ce parce que vous vous raillez de la circoncision, que vous violez le sabbat, que vous rejetez les sacrifices, que vous déclarez tous les aliments indifférents? C'est pour cela que vous nous dites : « Ne pensez pas ». Mais que pouvait-on faire de plus grave, de plus évident pour détruire la loi et les Prophètes? Si c'est là accomplir la loi, qu'est-ce donc que l'abolir? D'ailleurs, ni la loi ni les Prophètes ne désirent d'être accomplis; ils se trouvent complets et parfaits, jusque-là que leur auteur et père ne s'indigne pas moins contre les additions que contre les retranchements qu'on pourra leur faire, puisqu'il est écrit dans le Deutéronome : « Tu observeras, Israël, les commandements que je te donne aujourd'hui; prends garde de t'en écarter ni à gauche ni à droite; n'y ajoute rien, ni n'en retranche rien; mais persévères-y, afin que ton Dieu te bénisse[^1] ». Ainsi donc, si pour accomplir la loi et les Prophètes, Jésus y a ajouté quelque chose, il s'est écarté à droite; s'il en a retranché quelque chose pour les détruire, il s'est écarté à gauche; et dans les deux cas, il outrage l'auteur de la loi. Donc, ou ces paroles ont un autre sens, ou elles sont fausses.
- Deut. V, 32, XII, 32.