CHAPITRE XIX. LES PAÏENS ONT EU L'IDÉE D'UN POUVOIR DIVIN UNIQUE, LES MANICHÉENS NE L'ONT PAS.
Que Fauste, ou plutôt ceux qui goûtent ses écrits, apprennent donc que l'idée d'un pouvoir unique ne nous vient point des Gentils, mais que les Gentils ne sont pas tombés assez bas dans l'idolâtrie pour perdre la notion d'un seul vrai Dieu auteur de toute espèce d'être. Leurs sages (parce que, dit l'Apôtre, « les perfections invisibles de Dieu, rendues compréhensibles depuis la création du monde, sont devenues visibles, aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité, de sorte qu'ils sont inexcusables») leurs sages, dis je, « connaissant Dieu, ne l'ont point glorifié comme Dieu, ou ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont perdus dans leurs pensées, et leur coeur insensé a été obscurci ; ainsi, en disant qu'ils étaient sages, ils sont devenus insensés et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des serpents ». Telles sont les idoles des Gentils; il est impossible d'y voir autre chose qu'un culte rendu à la créature que Dieu a tirée du néant; de telle sorte que, dans cette interprétation même, dont les plus habiles d'entre eux ont coutume de se vanter et de se pavaner, il leur arrive ce que l'Apôtre dit un peu plus bas : « Ils ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur qui est béni dans les siècles[^1] ». Mais vous, dans tous les points où vous vous rapprochez d'eux, vous déraisonnez ; et dans les points où vous vous en éloignez, vous êtes au-dessous d'eux. En effet, vous n'admettez pas avec eux l'idée d'un pouvoir unique, qu'ils ont raison d'admettre, et vous croyez à une substance divine unique, mais qui peut être vaincue et qui est sujette à corruption, ce qui est une impiété absurde ; d'autre part, en adorant plusieurs dieux ils se sont laissé entraîner, par les démons menteurs, à adresser leurs hommages à des idoles, comme vous à d'innombrables chimères.
- Rom. I, 20-25.