CHAPITRE XLIX. FAUSTE CALOMNIE JACOB, LIA ET RACHEL.
Quant à cette autre noire calomnie de Fauste prétendant que quatre prostituées se disputaient le lit de leur mari, je ne sais où il a lu cela, sinon peut-être dans son coeur comme en un livre rempli d'odieux mensonges, où il se prostituait lui-même, mais avec ce serpent que l'Apôtre redoutait pour l'Eglise, pour celle qu'il désirait présenter comme une vierge pure, à un époux unique, au Christ, craignant, disait-il, que comme le serpent séduisit Eve par son astuce, ainsi il ne corrompit les esprits en les détournant de la chasteté du Christ[^1]. Car les Manichéens sont tellement amis de ce serpent qu'ils prétendent qu'il a été plus utile que nuisible. C'est lui, évidemment, qui a semé dans l'âme pervertie de Fauste les germes du mensonge, et l'a déterminé à verser, de sa bouche horriblement immonde, des calomnies mal imaginées, et à les livrer à la mémoire dans un style plein d'audace. Car aucune des servantes de Jacob ne l'a arraché à sa compagne, aucune de ses épouses ne s'est disputée pour partager son lit. Bien plus, l'ordre régnait là, parce que la passion était absente ; et les droits de la puissance conjugale étaient d'autant mieux respectés que la chasteté tenait mieux en garde contre les injustices de la convoitise charnelle. Et si une des femmes de Jacob achète le droit de partager son lit, cela même est une preuve de l'exactitude de ce que nous disons, cela même est le cri de la vérité réclamant contre les calomnies des Manichéens. Pourquoi, en effet, achèterait-elle le droit d'une autre, si ce n'eût pas été le tour de cette autre de jouir de son mari? Jacob ne se serait point abstenu de Lia à jamais, quand même elle n'eût pas acheté le droit de le posséder ; certainement il s'approchait d'elle quand son tour était venu, puisqu'il en eut tant de fils, puisqu'il lui obéit, en rendant mère sa servante, et qu'il l'a rendue mère encore elle-même sans qu'elle en eût acheté le droit. Mais alors c'était le tour de Rachel de passer la nuit avec son mari; elle possédait sur lui ce droit que la voix du Nouveau Testament proclame hautement par la bouche de l'Apôtre, quand il nous dit : « De même le mari n'a pas puissance sur son corps, mais la femme ». C'est pourquoi elle avait fait un pacte avec sa sueur, et devenue sa débitrice, elle lui transmettait son droit sur son mari. Car c'est là le mot que l'Apôtre emploie: « Que le mari rende à la femme ce qu'il lui doit[^2] ». Celle donc à qui le mari était débiteur, avait reçu de sa soeur un prix librement consenti, pour céder le droit qui lui appartenait.
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II Cor. XI, 2, 3.
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I Cor. VII, 4, 3.