CHAPITRE XI. LA TERRE EST STÉRILE POUR CAÏN, ET LA PASSION DU CHRIST POUR LES JUIFS.
« Dieu dit à Caïn : Maintenant tu seras maudit par la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir le sang de ton frère, versé par ta main. Après que tu l'auras cultivée, elle refusera de te donner ses fruits; tu seras gémissant et tremblant sur la terre[^5] ». Dieu ne dit pas: La terre est maudite; mais : « Tu seras maudit par la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir le sang de ton frère, versé par ta main ». En effet, le peuple juif infidèle est maudit par la terre, c'est-à-dire par l'Eglise, qui a ouvert sa bouche pour la confession des péchés, à l'effet de recevoir le sang du Christ, répandu, pour la rémission des péchés, de la main d'un persécuteur qui n'a pas voulu être sous la grâce, mais sous la loi, afin d'être maudit par l'Église, c'est-à-dire, afin que l'Église comprît et fit voir qu'il est maudit, suivant l'expression de l'Apôtre : « Tous ceux qui s'appuient sur les oeuvres de la loi, sont sous la malédiction de la loi[^6] ». Ensuite, après avoir dit : « Tu seras maudit par la terre, qui a ouvert sa bouche pour recevoir le sang de ton frère, versé par ta main », Dieu n'ajoute pas : Après que tu l'auras cultivée; mais il dit : «Après que tu auras cultivé la terre, elle refusera de te donner ses fruits ». D'où il suit qu'il n'est pas nécessaire d'entendre ces paroles en ce sens, que Caïn cultiverait la terre même qui avait ouvert sa bouche pour recevoir le sang de son frère, versé par sa main ; mais il faut comprendre qu'il est maudit par cette terre, parce qu'il en cultive une qui cessera de lui donner des fruits; c'est-à-dire, l'Église reconnaît et fait voir que le peuple juif est maudit, parce que, après la mort du Christ; il observe encore la circoncision terrestre, le sabbat terrestre, les azymes terrestres, la pâque terrestre : toutes observances terrestres, qui ont une vertu secrète pour faire comprendre la grâce du Christ, laquelle n'est point accordée aux Juifs obstinés dans l'impiété et l'infidélité, parce qu'elle a été révélée par le Nouveau Testament; et comme ils ne passent point au Seigneur, on ne leur enlève pas le voile qui demeure dans la lecture de l'Ancien Testament, parce que dans le Christ seul disparaît, non la lecture de l'Ancien Testament, qui a une vertu cachée, mais le voile qui en dérobe l'intelligence[^1]. Voilà pourquoi, le Christ ayant souffert sur la croix, le voile du temple s'est déchiré[^2], afin que, par la passion du Christ, les mystères des sacrements soient révélés aux fidèles qui viennent pour boire son sang, après avoir ouvert la bouche par la confession. Voilà pourquoi le peuple juif, à l'exemple de Caïn, cultive encore la terre, observe encore charnellement les prescriptions de la loi qui ne lui donne point ses fruits, parce qu'il ne comprend pas la grâce du Christ contenue en elle. Voilà pourquoi sur cette même terre que le Christ a portée, c'est-à-dire dans sa chair, ils ont eux-mêmes opéré notre salut en crucifiant le Christ, qui est mort pour nos péchés. Et cette même terre ne leur a point donné ses fruits, parce qu'ils n'ont pas été justifiés par la vertu de la résurrection de celui qui est ressuscité pour notre justification[^3] ; parce que, « quoiqu'il ait été crucifié dans sa faiblesse, il vit cependant par la puissance de Dieu », comme le dit l'Apôtre[^4]. C'est donc là la vertu de cette terre, que le Christ ne manifeste point aux impies ni aux incrédules. Aussi, après sa résurrection, n'a-t-il point apparu à ceux qui l'avaient crucifié; c'est Caïn cultivant la terre pour y semer du grain, et cette même terre ne lui faisant pas voir l'effet de sa puissance: « Après que tu l'auras cultivée », est-il écrit, « elle refusera de te donner ses fruits ».
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Gen. IV, 9,12.
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Gal. III, 10.
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II Cor. III, 14, 16.
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Matt. XXVII, 51.
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Rom. IV, 25.
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II Cor. XIII, 4.