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Œuvres Pères du désert Les pères du désert
CHAPITRE VII. CHARITÉ
IV. — Blessures entre frères.

Aveuglés par la haine.

Divers moyens dont usent les frères en colère pour rassurer leur conscience.

Illusions de ceux qui réservent leur indulgence aux personnes avec qui la communauté de vie ne les met pas en contact, de ceux qui gardent le silence mais entretiennent leur irritation, de ceux qui boudent comme des enfants et qui par colère s'imposent des abstinences.

Mais avec quelles larmes devrait-on pleurer cet abus, où nous voyons tomber quelques religieux, qui ayant été piqués des discours de quelqu'un de leurs frères, lorsque quelque personne sage les conjure de s'adoucir, en leur représentant que la loi de Dieu défend de se fâcher contre son frère, répondent à toutes ces remontrances que si un païen, ou une personne du monde leur avait fait ce tort, ou leur avait dit cette parole, ils l'auraient dû supporter, mais qu'il n'y a pas moyen de souffrir son frère, lorsqu'il tombe dans un si grand péché, ou qu'il dit des injures si atroces. Quoi donc ! Ne doit-on avoir de la patience que pour les infidèles et les sacrilèges, et ne doit-on pas la témoigner envers tous?

Mais il n'est pas bien étrange que l'imagination fausse dont ces personnes sont prévenues, les aveugle tellement, qu'ils ne voient pas même que le terme dont s'est servi le Fils de Dieu, est entièrement contraire à ce qu'ils soutiennent? Car il ne dit pas : « Quiconque se fâchera contre un étranger sera coupable de jugement », ce qui peut-être aurait pu selon leur pensée, excepter nos frères, et ceux qui font profession de la même foi et de la même vie que nous; mais il dit en termes exprès : « Celui qui se fâche contre son frère sera coupable de jugement. » Quoique nous devions donc, selon la règle de la vérité, regarder tous les hommes comme nos frères, néanmoins le Sauveur marque en ce lieu par le nom de frère plutôt celui qui est chrétien et qui vit comme nous, qu'un païen et un infidèle. (Coll., XVI, 17. P. L. 49, 1031.)

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Mais quel autre abus est-ce, que de nous croire quelquefois bien patients, parce que nous dédaignons de répondre à nos frères qui nous irritent, pendant que nous aigrissons tellement leur colère par un silence aigre et affecté, ou par des gestes de mépris et de raillerie, que ce langage muet les aigrit infiniment plus, que n'auraient fait tes paroles les plus sanglantes. Nous nous croyons innocents alors, et nome pensons n'être pas coupables devant Dieu, parce qu'il n'est rien sorti de notre bouche, qui nous peut faire condamner des hommes. Mais dans le discernement des péchés, Dieu n'agit-il égard qu'aux paroles, et ne discerne-t-il pas encore davantage la volonté? Est-ce l'action seule qu'il condamne; ou le dessein et l'intention du coeur? Et n'examinera-t-il dans son jugement que la chaleur et l'emportement des paroles, et non tette colère superbe qui se cache souvent sous le voile du silence? Ce n'est pas tant l'offense qui a donné lieu à la colère de son frère, que l'intention que l'on a eue en l'irritant, qui est détestable devant Dieu. C'est pourquoi il ne considérera pas tant en son jugement l'auteur de cette querelle, que celui qui y a mis le feu ensuite et qui l'a allumée et entretenue par sa faute.

Il ne faut pas tant considérer dans ceux qui pèchent la manière dont la faute s'est faite, que l'affection qu'ils ont au péché. Quelle différence y a-t-il devant Dieu entre tuer son frère d'un coup d'épée, ou lui causer la mort d’une autre manière plus secrète; puisqu'il est toujours certain qu’il l’aura tué, ou par violence ou par artifice? Suffirait-il pour être innocent, de n'avoir pas poussé un aveugle dans le précipice, puisqu'on est également coupable de sa mort, si on néglige volontairement de l'en retirer, lorsqu'il s'y jette de lui-même? N'est-on criminel que quand on étrangle un homme de ses propres mains; et celui qui lui a préparé la corde, ou qui ne la lui a pas retirée lorsqu'il le pouvait, n'est-il pas aussi complice de cet homicide?

Il ne nous sert donc de rien de nous taire durant la colère de notre frère, si nous ne nous imposons cette loi, qu'afin de faire par notre silence, ce que nous aurions fait par les paroles les plus outrageuses, si nous affectons durant ce silence de faire quelques gestes, qui redoublent la mauvaise humeur de celui que nous devions tâcher de guérir, et si nous prétendons alors d'être loués comme de modestie et de retenue, ce qui ne sert qu'à redoubler notre crime, puisque nous voulons tirer de l'avantage et de la gloire de la perte même de notre frère, dont nous sommes cause. Ce -silence alors est également mortel et à notre frère et à nous-mêmes; puisqu'il ne sert qu'à allumer davantage la colère de son coeur, et qu'il ne permet pas qu'elle s'éteigne dans le nôtre. (Coll., XVI, 18. P. L., 49, 1032.)

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Il y a encore une autre sorte de tristesse qui est si détestable, que je n'en parlerais pas, si je ne savais qu'il y a des solitaires qui y sont sujets, et qui se trouvant quelquefois en mauvaise humeur ou en colère, s'abstiennent de manger, avec une opiniâtreté invincible. Nous voyons et nous ne le pouvons voir sans rougir, que des frères qui, lorsqu'ils sont en paix, ne peuvent attendre plus tard à manger que jusqu'à sexte, ou au plus jusqu'à none, passent néanmoins sans peine quand ils sont fâchés, deux jours de suite sans manger, parce qu'alors ils supportent aisément le défaut de la nourriture en se nourrissant, et comme en se soûlant de la colère. Ainsi jeûnant alors, non pour obtenir de Dieu la guérison de leurs défauts et l'humiliation de leur coeur, mais par un orgueil et une opiniâtreté diabolique, leur jeûne devient une impiété et un sacrilège. Ils n'offrent plus en cet état leurs sacrifices à Dieu, mais au démon; et ils tombent dans ce reproche que Moïse faisait aux Juifs « Ils ont sacrifié aux démons et non à Dieu, ils ont adoré des dieux qu'ils ne connaissaient pas. » (Coll., XVI, 19. P. L., 49, 1034.)

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