Tous enseignés par Dieu. (S. Jean, VI, 45.)
Les Pères ne confondent pas action surnaturelle et action miraculeuse. Ils n'excitent pas le désir de merveilles opérées sur les sens, paroles, visions, etc... mais ils enseignent que Dieu s'adresse à toutes les âmes. Ils apprennent à discerner sa voix et à entretenir les communications avec le ciel.
Dieu a diverses manières d'appeler au désert, diverses manières de converser avec l'âme solitaire.
Prenant la voix d'un conférencier, ou d'un chantre, ou donnant son accent aux objets inanimés, au moment qu'il a choisi il sait dire au religieux gagné par la joie des larmes ou par la crainte : « Je suis là ! »
Pour expliquer donc plus particulièrement ces trois sortes de vocations dont nous venons de parler, la première est lorsque Dieu nous appelle immédiatement par lui-même, la seconde, lorsqu'il nous appelle par un homme qu'il nous envoie et la troisième lorsque nous exposant à quelque grand péril, ou à quelque grand mal, il nous force en quelque sorte de nous convertir à lui.
Dieu nous appelle immédiatement par lui-même, lorsque par ses inspirations divines il nous touche le coeur, et que nous trouvant dans un profond assoupissement, il nous réveille tout d'un coup, nous fait aimer notre salut, nous inspire le désir et l'amour de la vie éternelle, nous exhorte à le suivre, et nous y pousse par une componction salutaire. C'est ainsi que nous voyons dans l'Écriture qu'Abraham sortit par le commandement de Dieu, de son pays, et du milieu de sa parenté, quand Dieu lui dit : « Sortez de votre terre et de votre parenté, et de la maison de votre père. » Ce fut aussi de la sorte que Dieu appela à lui le grand Antoine; et sa conversion n'eut point d'autre principe que Dieu même. Car ayant un jour entendu cette parole de l'Évangile en entrant dans une église : « Qui ne hait pas son père et sa mère, et ses enfants et sa femme, et ses terres et sa vie même, ne peut être mon disciple, si vous voulez être parfait, allez et vendez tout ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres, et venez ensuite après moi et me suivez », il en fut percé jusqu'au coeur. Il crut que ce commandement de Dieu s'adressait particulièrement à lui, et renonçant à tout ce qu'iI possédait, il se résolut de suivre Jésus-Christ, sans y avoir été poussé par la parole et l'instruction d'aucun homme.
Le second degré de vocation est celui que avons dit se faire par l'entremise des hommes, lorsque l'exemple des saints, ou leurs instructions nous touchent, et nous enflamment du désir de notre salut. C'est de cette voie que je reconnais que la grâce de Dieu s'est voulu servir pour m'appeler à lui, m'ayant si fort touché autrefois par les vertus et les paroles de ce grand saint dont nous venons de parler, que j'embrassai ensuite la profession religieuse, et me sacrifiai à la vie qu'il avait choisie. C'est aussi de cette manière, comme nous le voyons dans l'Écriture, que les enfants d'Israël furent délivrés autrefois de la servitude de l'Égypte par l'entremise de Moïse.
La troisième manière dont Dieu nous appelle, est celle qu'on peut dire être mêlée de nécessité et de violence, comme il arrive lorsqu'au milieu des richesses et des plaisirs du monde, qui occupent tout notre cœur, nous nous trouvons surpris et accablés tout d'un coup de quelque accident funeste, et qu'ainsi étant frappés, ou par un grand péril qui nous menace, ou par la perte de notre bien, ou par la mort des personnes qui nous étaient les plus chères, nous sommes forcés en quelque sorte par l'adversité de nous jeter entre les bras de Dieu, lue nous avions méprisé dans notre prospérité.
Il y a dans l'Écriture beaucoup d'exemples de cette vocation accompagnée de quelque sorte de nécessité. Car nous y voyons que Dion pour punir les crimes des enfants d'Israël,les livre entre les mains de leurs ennemis, qu'ils sont réduits aux dernières extrémités sous leur domination cruelle, et que l'excès de leurs maux les fait rentrer en eux-mêmes pour se convertir à Dieu. (Coll., III, 4. P. L., 49, 561.)