Recettes pour acquérir l'humilité.
Un solitaire disant à un saint vieillard : « Que faut-il faire, mon Père, pour acquérir l'humilité ? » Il lui répondit : « Il faut seulement considérer nos défauts, et ne point considérer ceux d'autrui, parce que l'humilité rend l'homme parfait, et d'autant plus qu'il s'abaisse par cette vertu, d'autant plus il se trouve élevé dans l'estime de tout le monde. Car comme l'orgueil en voulant monter dans le Ciel, tombe dans l'enfer, ainsi l'humilité en voulant s'abaisser jusque dans l'enfer, s'il était possible, c'est-à-dire jusqu'au néant, s'élève jusque dans le Ciel. » (Ruffin, 171. P. L., 73, 797.)
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Lorsque les démons ou les hommes nous louent de notre pèlerinage et de notre retraite, comme d'une action grande et généreuse, portons notre pensée vers Celui qui s'est rendu pèlerin pour l'amour de nous, en descendant du Ciel, pour venir demeurer dans la terre avec les hommes, et nous trouverons que quand nous vivrions une éternité, nous ne pourrions rien faire pour lui d'égal à ce qu'il a fait pour nous. (Clim., III, 18. P. G., 88, 670.)
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Je me souviens que lorsque le désir de le voir me fit monter la première fois à la montagne, il portait ainsi deux cruches d'eau en ses deux mains; et comme je lui demandai où demeurait l'admirable Zénon, il me répondit qu'il ne connaissait point de solitaire qu'on nommât ainsi. Cette réponse si modeste m'ayant fait juger que c'était lui-même, je le suivis, et étant entré je vis un lit fait avec du foin, et un autre avec des pierres accommodées de telle sorte qu'on pouvait se coucher dessus sans se faire mal. Après m'être entretenu avec lui de plusieurs discours de piété sur le sujet desquels je lui faisais des demandes et sur lesquelles il éclaircissait mes doutes, lorsque l'heure de m'en retourner fut venue, je le priai de me donner sa bénédiction pour me servir de viatique à mon retour, ce qu'il refusa en disant que c'était plutôt à lui à me demander la mienne, puisqu'il n'était qu'un simple particulier, et que j'étais du nombre des soldats enrôlés dans la milice de Jésus-Christ (car j'étais alors lecteur, et je lisais au peuple l'Écriture Sainte). Sur quoi lui ayant représenté que j'étais encore si jeune que la barbe ne faisait que commencer à venir, et ayant fait serment de ne le plus voir s'il me contraignait d'en user ainsi, il se laissa enfin fléchir avec beaucoup de peine à ma prière, et offrit les siennes à Dieu, mais avec de grandes excuses, et en protestant que la seule charité et l'obéissance le lui faisaient faire. Or qui peut assez admirer et assez louer une si grande humilité dans un homme élevé à un si haut comble de perfection, qui déjà fort âgé, et qui avait passé quarante ans entiers dans les plus âpres travaux de la vie solitaire ? Néanmoins étant enrichi de tant de vertus, il ne manquait point, comme s'il eût été le plus dénué du monde, de se trouver les dimanches avec le peuple à la sainte église, où il entendait avec une très grande attention la parole de Dieu de la bouche de ceux qui l'enseignaient, et après avoir reçu la sainte communion il s'en retournait dans sa demeure ordinaire, qui pouvait passer avec raison pour fort extraordinaire, puisqu'il n'y avait ni serrure, ni clef, ni personne qui la la gardât. (Théodoret, 12. P. L., 74, 65.)