3.
Craignez de tomber dans la même faute. L'Ecriture nous offre son exemple , afin que nous évitions son erreur. Imitez la terre , produisez comme elle , et ne vous montrez pas inférieur à un être inanimé. Observez cependant que ce n'est point pour sa propre jouissance, mais pour votre usage , que la terre fait éclore ses fruits ; tandis que vous, vous amassez pour vous-même les fruits de bienfaisance que vous faites paraître au-dehors : car tout l'avantage des bonnes oeuvres re-tourne à celui qui les fait. Vous avez nourri l'indigent ; ce que vous lui avez donné vous revient avec usure. Et comme la semence qui tombe sur la terre , profite à celui qui la jette ; de même le pain jeté dans le sein du pauvre , est du plus grand rapport pour celui qui le donne. Ayez pour fin dans vos cultures de recueillir la semence céleste. Semez , dit un prophète , semez pour vous-même dans la justice (Osée. 10. 12.). Pourquoi vous tourmenter ? pourquoi vous fatiguer ? pourquoi cet empressement à enfermer vos biens dans des murs de boue et de briques ? Une bonne réputation vaut mieux que de grandes richesses ( Prov. 22. 1. ). Si vous les estimez, ces richesses, pour les honneurs qu'elles procurent , considérez combien il importe plus à votre gloire d'être appelé le père d'un millier de pauvres , que de compter dans votre bourse mille pièces de monnaie. Vous laisserez vos biens sur la terre malgré vous ; mais l'honneur qui vous reviendra de vos bonnes oeuvres, vous le transporterez dans le ciel, lorsque tout le peuple , environnant le tribunal du souverain Juge , vous appellera son père nourricier , son bienfaiteur , et vous donnera les autres noms que vous aura mérités votre bienfaisance. Vous voyez des hommes, jaloux de donner des spectacles de baladins et d'athlètes, spectacles qu'on doit avoir en horreur, vous les voyez prodiguer l'or pour repaître leur vanité d'un honneur frivole , pour entendre les cris et les applaudissements du peuple : et vous , vous épargnez la dépense lorsque vous devez obtenir une gloire que rien n'égale. Un Dieu qui reçoit vos présents , les anges qui applaudissent à votre libéralité, les hommes de tous les siècles qui envient votre bonheur, une gloire éternelle, une couronne incorruptible, le royaume des cieux ; telle est la récompense dont sera payée la distribution que vous aurez faite de quelques matières périssables. Vous ne pensez à aucun de ces avantages , et votre amour pour les biens présents vous fait oublier les biens futurs.
Distribuez ici-bas vos richesses pour les besoins du pauvre , et soyez jaloux de vous distinguer dans ces pieuses dépenses. Qu'il soit dit de vous : Il a répandu ses biens dans le sein des indigents , sa justice subsistera dans tous les siècles (Ps. III. 9. ). N'aggravez pas les nécessités des misérables , en faisant augmenter le prix de leur subsistance. N'attendez pas la disette pour ouvrir vos greniers. Le monopoleur est maudit du peuple ( Prov. II. 26. ). Que la soif de l'or ne vous fasse pas épier la famine ; que la passion de vous enrichir ne vous fasse point profiter de la misère commune , et craignez de trafiquer des calamités de vos semblables. Que la colère divine ne soit pas pour vous une occasion de grossir vos trésors , n'aigrissez pas les plaies des malheureux qu'affligent de cruels fléaux. Mais vous ne considérez que l'or , et jamais votre frère. Vous connaissez les marques de la monnaie , vous savez distinguer celle qui est bonne de celle qui est fausse ; et vous affectez de méconnaître votre frère dans le besoin.
