5.
Que de moyens n'employez-vous pas pour avoir de l'or ? pour vous le blé devient or , le vin se durcit en or , la laine se transforme en or. Tous vos commerces, tous vos projets , vous apportent de l'or ; enfin l'or même, multiplié par l'usure , vous produit de l'or.
Les désirs de l'avarice ne peuvent être rassasiés ni satisfaits. Nous laissons quelquefois des enfants gourmands se gorger à leur volonté de ce qu'ils aiment davantage, et nous parvenons à les dégoûter en les rassasiant. Il n'en est pas ainsi de l'avare. Plus il se remplit d'or, plus il en désire. Si les richesses abondent chez vous , n'y attachez pas votre cœur , vous dit le roi Prophète (Ps. 1.). Mais vous les retenez lorsqu'elles débordent, et vous fermez exactement tous les passages. Enfermées et retenues de force dans la maison du riche, que font-elles ? elles rompent toutes les digues, se répandent malgré lui, et faisant violence comme un ennemi qui vient fondre tout-à-coup, elles renversent et détruisent ses magasins et ses greniers. Il en construira de plus grands , dira-t-on. Mais qui est-ce qui l'assure qu'il ne les laissera pas à son héritier, avant qu'il les ait rétablis ? car il pourra être enlevé du milieu des vivants, avant qu'il ait pu relever, selon ses désirs avares , les édifices où il renferme ses récoltes. Le riche de l'Evangile a trouvé une fin digne de ses résolutions iniques. O vous qui m'écoutez, suivez mes conseils : ouvrez toutes les portes de vos greniers et de vos maisons ; donnez de toutes parts à vos richesses de libres issues. Comme on pratique des milliers de canaux pour que les eaux d'un grand fleuve se distribuent également dans une terre qu'elles fertilisent; de même ouvrez à vos richesses divers passages, pour qu'elles se répandent dans la maison des pauvres. Les eaux des puits n'en deviennent que plus belles et plus abondantes lorsqu'on y puise souvent ; trop longtemps reposées, elles croupissent. L'or arrêté dans les coffres n'est qu'un fonds mort et stérile ; mis en mouvement par la circulation , il devient fructueux et se divise pour l'utilité commune. Quels éloges ne mérite-t-il pas à celui qui le répand pour le bien de ses frères? ne dédaignez point ces éloges. Quelle récompense ne lui obtient-il pas du juste Juge ? regardez cette récompense comme assurée.
Que l'exemple du riche condamné dans l'Evangile , se présente sans cesse à vous. Attentif à garder les biens dont il jouit déjà , inquiet pour ceux qu'il s'attend de recueillir, sans savoir s'il vivra le lendemain, il prévient ce lendemain par les fautes qu'il commet dès aujourd'hui. Le pauvre n'est pas encore venu le supplier, et il manifeste déjà la dureté de son coeur ; il n'a pas recueilli ses fruits, et il donne déjà des marques de son avarice. La terre officieuse et libérale lui offrait toutes ses productions ; elle lui montrait dans ses champs des moissons épaisses; dans ses vignes, les ceps chargés de raisins; dans ses divers plants, les oliviers et les autres arbres , dont les branches courbées sous les fruits, lui annonçaient une pleine abondance. Pour lui , il était déjà dur et. resserré ; il enviait déjà à l'indigent ce qu'il n'avait pas encore. Toutefois , de quels périls ne sont pas menaces les fruits avant leur récolte ! souvent la grêle les brise et les écrase , une sécheresse mortelle nous les arrache des mains, des pluies excessives qui fondent des nues , les noient et les submergent.
Que n'adressez-vous donc vos prières au Souverain des cieux, pour qu’il accomplisse ses faveurs ? Mais vous vous rendez d'avance indigne des biens qu'il vous destine.
