VII.
O Jésus-Christ, mon Seigneur, accorde à tes serviteurs la faveur de connaître ou d'apprendre de ma bouche la règle de la pénitence, en ce sens qu'il est défendu aux catéchumènes eux-mêmes de pécher! Autrement ils ne comprendront jamais rien de la pénitence, jamais ils ne la désireront. Il me répugne de mentionner ici la seconde, ou, pour mieux dire, la dernière espérance, de peur qu'en traitant de la ressource du repentir, je ne semble ouvrir une carrière au péché. A Dieu ne plaise que l'on interprète assez mal ma pensée pour s'imaginer que la faculté de se repentir soit la faculté de pécher encore, et que la surabondance de la miséricorde céleste soit une ouverture à l'insolence de la témérité humaine! Ainsi, que personne ne soit plus criminel, parce que Dieu est plus clément; autant de fois pécheur qu'il est de fois pardonné. Apparemment qu'il pourra toujours échapper à Dieu, celui qui ne pourra pas même toujours pécher! Nous avons échappé une fois: jetons-nous de gaîté de cœur dans le péril, sous le prétexte que nous y échapperons encore une fois. Vois la plupart de ceux qu'a épargnés le naufrage; ils font divorce avec la mer et le navire, et honorent le bienfait de Dieu, je veux dire leur salut, par la mémoire du péril. Je loue leur crainte, j'aime leur défiance; ils ne veulent pas importuner la miséricorde divine par de nouvelles demandes, ils tremblent de hasarder ce qu'ils ont déjà obtenu, ils évitent de courir une seconde fois les risques d'un événement qu'ils ont déjà appris à redouter. L'homme qui craint le Seigneur l'honore. Mais notre opiniâtre ennemi ne s'endort jamais dans sa malice. Que dis-je? il redouble surtout de fureur quand il voit l'homme échappé à ses liens; plus nos passions s'éteignent, plus sa haine s'enflamme. Il faut bien qu'il s'afflige et qu'il se désespère en voyant que, par le pardon accordé aux péchés, tant d'œuvres de mort sont détruites dans l'homme, et tant de titres de condamnation annulés. Il s'afflige à la pensée que ce pécheur, devenu le serviteur de Jésus-Christ, le jugera, lui et ses anges. En conséquence, il l'épie, il l'attaque, il l'obsède; il essaie par tous les moyens possibles, tantôt de frapper ses regards par la concupiscence de la chair, tantôt d'envelopper son ame dans les liens des affections mondaines, tantôt d'ébranler sa foi par la crainte de la puissance terrestre, tantôt de le détourner du droit chemin par des doctrines perverses: scandales, tentations, rien ne lui manque. Dieu donc, prévoyant tous ces stratagèmes, après avoir fermé, il est vrai, la porte du pardon, en fermant la porte du baptême, a ouvert au pécheur un dernier refuge; il a placé à l'entrée du vestibule la seconde pénitence, afin qu'elle s'ouvre à ceux qui frappent, mais pour une fois seulement, parce que c'est déjà la seconde; mais davantage, jamais, parce que la précédente a été vaine. Peux-tu dire, en effet, qu'une fois ne suffise pas? Tu recueilles ce que tu méritais, puisque tu as perdu ce que tu avais reçu. Si l'indulgence de Dieu te rend ce que tu avais perdu, sois au moins reconnaissant d'un bienfait répété, ou, pour mieux dire, d'un bienfait plus grand, car rendre c'est plus que donner; parce qu'il est plus malheureux pour l'homme d'avoir perdu que de n'avoir jamais rien obtenu. Toutefois, ne va point te laisser abattre par le désespoir, parce que tu te trouves le débiteur de la seconde pénitence. Rougis d'avoir péché une seconde fois, mais ne rougis pas de te repentir; rougis d'avoir succombé une seconde fois, mais non de te relever de nouveau. Point de fausse honte: à de nouvelles blessures il faut de nouveaux remèdes. Le moyen de témoigner ta reconnaissance au Seigneur, c'est de ne pas rejeter le don qu'il t'offre. Tu l'as offensé, oui, sans doute; mais tu peux te réconcilier avec lui. Tu sais à qui il faut satisfaire, et qui est prêt à recevoir ta satisfaction.
