CHAPITRE IX. LIAISONS FUNESTES.
17. Quel était donc cet instinct de mon âme? Vil et honteux instinct! Ame misérable, tu t’es livrée à lui! Quel était enfin cet instinct maudit? « Oh ! qui peut sonder l’abîme des péchés (Ps. XVIII, 13)? » C’était un rire malin qui nous chatouillait le coeur à l’idée de tromper un homme et de l’irriter. Pourquoi donc avais-je du plaisir à n’être pas seul? Seul, est-il plus difficile de rire? Il est vrai; et cependant un homme est seul, et le rire s’empare de lui, si un objet trop ridicule frappe ses sens ou son esprit. Mais moi, je n’eusse rien fait seul; non, seul, je n’eusse rien fait.
Oui, mon Dieu, voici devant vous la vivante souvenance de mon âme! Seul, je n’eusse pas commis ce larcin, n’en aimant pas l’objet, n’aimant que lui-même. Seul, je n’eusse trouvé aucun plaisir à le faire , je ne l’eusse point fait. O amitié ennemie, subtile séduction de l’esprit, ardeur de nuire et de dérober, inspirée par l’entrain et le jeu, sans cupidité, sans passion vindicative, sur un seul mot Allons, dérobons! et l’on rougit de rougir encore! ( 377)
