15.
Aug. Et dans tout cela n'es-tu pas étonné de rencontrer une justice si grande et si inviolable? — Ev. Comment? — Aug. Parce que nous n'appelons justice, selon moi, que l'équité; or l'équité semble tirer son nom d'une certaine égalité. Mais en quoi consiste la vertu d'équité, sinon à rendre à chacun ce qui lui appartient? Or on ne peut rendre à chacun ce qui lui appartient, qu'à l'aide du discernement. Es-tu d'un avis contraire ? — Ev. Cela est clair et j'ai hâte d'y souscrire.— Aug. Et penses-tu qu'il y ait distinction, quand toutes choses sont égales, et n'ont entre elles aucune différence ? — Ev. Je ne le pense pas. — Aug. Donc on ne peut observer la justice, s'il n'y a pour ainsi dire, imparité et dissemblance entre les différents objets à l'égard desquels on l'observe ? — Ev. Je le comprends ainsi. — Aug. Mais comme il faut avouer que les figures dont il s'agit, sont dissemblables entre elles, c'est-à-dire, celle qui n'a que trois angles et celle qui en a quatre,
quoique toutes deux soient formées de lignes semblables, ne trouves-tu pas ici la justice observée? car dans la figure où ne se voit pas l'égalité des contraires se rencontre invariablement l'égalité des angles, et dans celle qui présente si exactement l'égalité des contraires, se trouve une certaine inégalité dans les angles. Frappé de tout cela j'ai cru bon de te demander quel plaisir te procurent cette vérité, cette équité, cette égalité. — Ev. Je comprends ce que tu dis, et mon admiration n'est point médiocre.— Aug. Ainsi tu préfères avec raison l'égalité à l'inégalité, et selon moi il n'est absolument aucun homme sensé, qui ne soit de cet avis: cherchons donc, s'il te plaît, une figure où se rencontre la plus parfaite égalité ; quelle qu'elle soit, il la faudra sans hésitation préférer à toute autre. — Ev. J'y consens et désire savoir laquelle.
