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Ev. Me voilà dans l'absolue nécessité de refuser la science aux bêtes, ou d'admettre qu'elles me sont vraiment supérieures. Mais explique-moi, je te prie, de quelle nature est ce trait que j'ai rapporté du chien d'Ulysse; car j'ai aboyé bien vainement dans mon admiration pour lui. — Aug. Qu'y avait-il dans ce chien, sinon la faculté de sentir et non celle de connaître? Bon nombre d'animaux nous surpassent par les sens et ce n'est pas ici le lieu d'en rechercher la cause; mais Dieu nous a mis au-dessus d'eux par l'esprit, la raison et la science. Or ces sens, secondés par la coutume dont la puissance est grande, peuvent discerner ce qui plaît à ces animaux, et d'autant plus facilement que l'âme de la bête est plus attachée à ce corps auquel appartiennent ces sens dont elle se sert pour la nourriture et le plaisir qu'elle goûte dans ce même corps. L'âme de l'homme, au contraire, se soustrait au corps autant qu'elle en est capable par la raison et par la science, dont nous constatons maintenant la grande supériorité sur les sens, elle goûte mieux les jouissances intérieures, et plus elle se plonge dans les sens, plus aussi elle rend l'homme semblable à la bête. De là vient encore que plus l'enfant au berceau est éloigné de la raison, plus il lui est facile de discerner par la sensation l'approche et le contact de sa nourrice, tandis qu'il ne peut soutenir l'odeur d'une autre femme qu'il. ne connaît point.
