3.
Mais tu dis que si tu crois à ton ami, bien que tu ne puisses voir son coeur, c'est parce que tu l'as vu à l'oeuvre dans les épreuves, et que tu as connu son affection pour toi au milieu des périls,où il t’est resté fidèle. Faut-il donc, selon toi, souhaiter d'être malheureux, pour nous assurer de l'attachement de nos amis? Pour goûter avec certitude le bonheur d'avoir des amis, il faudra donc être en proie à l’adversité ? On ne jouira d'une amitié éprouvée, qu'au prix de la douleur et de la crainte ? Et comment ne pas redouter plutôt, que désirer, un bonheur, qui a le malheur pour pierre de touche? Et cependant il est vrai qu'on peut voir un véritable ami dans la prospérité, mais qu'on n'en est sûr que dans l'adversité.
Certainement tu ne te jetterais pas dans le danger pour éprouver un ami, si tu n'avais la foi; et si tu t’y engages pour l'éprouver, c’est parce que tu crois d’abord et avant l’épreuve même. En effet si nous ne devons pas croire aux choses que nous ne voyons pas, bien que nous croyions au coeur d’un ami qui n'a, pas encore été éprouvé; même quand nous avons fait cette épreuve à nos dépens, nous croyons encore à la bienveillance plutôt que nous ne la voyons; à moins qu'on ne dise alors que la foi est si grande que nous nous imaginons voir par ses yeux ce que nous croyons au lieu que nous devons croire parce que nous ne pouvons voir.
