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Il n'est pas difficile, mon cirer Domnion, de parler sans cesse sur les places publiques et dans les boutiques des apothicaires, de juger le mérite des autres; celui-ci a très bien réussi, celui-là n'a rien fait de bon ; un tel connaît parfaitement l'Ecriture sainte, cet autre divague; celui-là est un bavard, celui-ci n'est encore qu'un enfant. Qui donc lui a donné mission de juger et de condamner tout le genre humain ? C'est l'affaire des bouffons et des parasites de critiquer les passants sur les places publiques, et de noircir sans sujet la réputation de chacun. Encore une fois, qu'il écrive, qu'il se remue un peu, qu'il nous fasse voir par quelque ouvrage de quoi il est Capable; qu'il nous donne une occasion de répondre à ses savants écrits. Je pourrais bien, si je voulais, l'attaquer et lui rendre injures pour injures; j'ai étudié aussi bien que lui; j'ai souvent dérobé ma main à la férule, et l'on peut bien m'appliquer ce que dit le poète : « Fuyez, il a du foin aux cornes. »
Mais j'aime mieux être disciple de celui qui dit: « J'ai abandonné mon corps à ceux qui me frappaient, et je n'ai point détourné mon visage de ceux qui me couvraient de confusion et de crachats; » de ce divin Sauveur« qui n'a point dit d'injures à ceux qui l'en chargeaient; »qui après avoir reçu des soufflets, enduré la croix, le fouet, les blasphèmes, pria enfin pour ceux qui le crucifiaient, en disant: « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils l'ont. » Je veux donc aussi pardonner à l'erreur de mon frère, dans la persuasion qu'il s'est laissé séduire par le démon. Au milieu des femmes il se croyait seul savant et seul éloquent; mais dès que mes ouvrages ont paru dans Rome, il m'a vu avec effroi comme son rival, et il a voulu se faire un mérite et une gloire de combattre mes opinions, afin que: tout le monde baissât la tête devant lui, excepté ceux à l'autorité desquels il est. obligé de céder, quoique d'ailleurs il ne les ménage pas trop, et qu'il les craigne plus qu'il ne les respecte. Cet habile homme, comme un vieux soldat aguerri, a voulu en percer deux du même coup d'épée, et faire voir que l'Ecriture sainte ne peut avoir d'autre sens que celui qu'il se plait à lui donner.
