CHAPITRE XIX. LES MECHANTS JUGENT DES AUTRES D'APRÈS EUX-MÊMES.
28. Mais il est des hommes dont la convoitise effrénée s'abandonne à des commerces infâmes ; des hommes qui, même avec une seule femme, ne se contentent pas de franchir les bornes où se renferme le désir de donner au monde des enfants, mais encore, esclaves avilis d'une déplorable liberté, ou plutôt d'une licence sans pudeur, se souillent sans cesse des excès les plus monstrueux. Ces hommes ne comprennent pas que les justes de l'antiquité aient pu conserver avec plusieurs femmes les règles de la tempérance, et n'aient cherché, dans cet usage, qu'à satisfaire au devoir où, chacun était alors de multiplier sa race ; et enchaînés parla passion, ils ne croient absolument pas qu'avec plusieurs femmes on puisse se renfermer dans les limites où ils ne sa tiennent pas avec une seule.
29. Ils pourraient même dire qu'il ne faut pas louer les justes et les saints, parce que les honneurs et les louanges les enflent eux-mêmes d'orgueil : coeurs d'autant plus avides d'une vaine gloire, que la langue des flatteurs les a plus souvent et plus pompeusement encensés ; esprits légers et inconstants, le moindre souffle de la renommée qui les loue ou les condamne, suffit pour les jeter dans le gouffre du, désordre, ou les brise contre l'écueil du crime. Qu'ils reconnaissent donc combien il leur est difficile de rester insensibles à l'appât des louanges ou aux traits du mépris ; mais qu'ils ne jugent pas des autres, d'après eux-mêmes.
