7.
Je ne te contredirai point, débonnaire Epicure; mais vois Cléanthe qui met la tête hors de son puits,1 pour berner tes atomes. Permets que faille près de lui puiser à la véritable source : c'est Dieu, c'est la matière. Que de belles choses j'apprends alors ! La terre se change en eau, l'eau en air; l'air s'élève; le feu circule dans le périgée;2 l'âme du monde pénètre tout; chacun de nous est une portion de cette âme universelle.3
Bon Dieu ! quelle ténébreuse poussière soulève cette armée de philosophes! Je regarde du coté de l'Afrique, et j'en aperçois une autre, qui s'élance comme un torrent.
Carnéade, Clitomaque, à la tête d'innombrables sectateurs, renversant devant eux les arrêts de tous leurs devancière, ont pour mot d'ordre : « Tout est impénétrable ; pas une vérité près de laquelle ne repose l'illusion et l'erreur. »
Que devenir, après des recherches si longues, si fatigantes ? Comment vider mon cerveau, «à débordent tant de systèmes opposés? Quoi! rien ne serait accessible à noire intelligence ! Ο vérité ! où donc t'es-tu reléguée? Et toi, philosophie si vantée, loin de transmettre des notions certaines, tu t'escrimes donc pour des chimères !
« Cleanthes aquam traxit, et rigando hortulo locavit manus. » (Sénèque, Lettre 44.) ↩
Le mot périgée n'a pas ici son sens astronomique; il désigne, d'une manière générale, le voisinage de la terre. ↩
Virgile, d'après Cléanthe et Lucrèce : Principio cœlum ac terras, eamposque liquentes Lucentemque globum lunae, Titaniaque astra Spiritas intus alit ; totamqne infusa per artus Mens agitat molem, et magno se corpore miscet. Inde hominum pecudumque genus, etc. (Enéide, l. VI, v. 724.) ↩
