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Les plus misérables et les derniers des hommes, les Juifs, se préparent à jeûner de nouveau, et de nouveau nous sommes obligé de prémunir le troupeau de Jésus-Christ. Tant que les bergers n'ont rien à craindre de la bête féroce, ils se jettent sous un chêne ou sous un sapin, jouent du chalumeau et laissent paître les brebis en toute liberté; mais, dès qu'ils prévoient l'attaque des loups, aussitôt, jetant le chalumeau et la flûte, ils prennent en main la fronde, ils s'arment de bâtons et de pierres, et, se mettant devant le troupeau , ils poussent de grands cris et des clameurs retentissantes, et la voix suffit souvent, sans les coups, à écarter l'ennemi. Nous agissons comme eux : les jours précédents, nous vous expliquions tranquillement les saintes Ecritures; avec vous, nous parcourions en toute sécurité ces pâturages sacrés, laissant de côté l'arme de la polémique parce qu'aucun ennemi ne nous menaçait; mais, puisqu'aujourd'hui les Juifs, plus cruels que tous les loups, s'apprêtent à tendre des piéges à nos brebis, c'est une nécessité pour nous de nous préparer à la lutte et au combat, pour que rien de ce qui est à nous ne devienne la proie des bêtes; féroces. Quoique ce jeûne ne doive arriver que dans dix jours et davantage, ne vous étonnes pas si nous nous occupons déjà d'armer et de fortifier vos âmes.
Lorsqu'un torrent voisin menace d'emporter les terres de leurs champs, les cultivateurs n'attendent pas le temps de l'hiver pour se mettre en garde; longtemps avant cette saison ils consolident les bords, élèvent des digues, creusent des fossés, et se mettent en défense par tous les moyens possibles. Il est aisé de se rendre maître du torrent tant qu'il est tranquille dans son lit resserré ; mais quand il aura crû, et qu'il roulera ses eaux avec une grande impétuosité, il ne sera plus aussi facile de le dompter. On en prévient donc les ravages longtemps d'avance, en préservant par de sûres défenses tout ce qui redoute ses attaques. Ainsi ont coutume de faire les soldats, les matelots et les moissonneurs. Les soldats fourbissent leurs cuirasses avant le combat, inspectent avec soin leurs boucliers, préparent les rênes, donnent une meilleure nourriture aux chevaux , en un mot mettent tout en ordre. Les matelots, avant de traîner le navire au port, en radoubent et réparent la carène et les flancs , polissent les rames, raccommodent les voiles et disposent tout le reste de l'armement. Les moissonneurs également, bien des jours à l'avance , aiguisent la faux et préparent l'aire, les boeufs, le char, et tous les instruments qui doivent leur servir à faire la moisson. Enfin, il n'y a pas d'affaire qui ne demande à être précédée de certains préparatifs qui en facilitent l'exécution. .
Nous suivons la même marche, nous prémunissons vos âmes longtemps à l'avance, en vous exhortant à fuir ce jeûne impie et inique. Ne me dites donc pas que les Juifs jeûnent; il s'agit de me montrer qu'ils le font selon le dessein de Dieu. S'il n'en est pas ainsi, leur jeûne est plus inique et plus coupable que ne le serait l'ivresse et la débauche. Il ne faut pas considérer seulement les actions en elles-mêmes, il faut encore en examiner le principe.
Tout ce qui se fait selon le dessein de Dieu est excellent, parût-il mauvais; au contraire, ce qui se fait contre la volonté de Dieu, et lui déplaît, quand on le croirait excellent, est ce qu'il y a de plus mauvais et de plus inique. Le meurtre exécuté selon l'ordre de Dieu, est préférable à l'humanité; le traitement le plus humain, s'il contrarie la volonté de Dieu, rend la clémence plus criminelle que le meurtre. Ce n'est pas la nature des actions, mais ce sont les jugements de Dieu qui rendent les actions bonnes ou mauvaises.
