CHAPITRE V. POURQUOI LES LARMES SONT-ELLES DOUCES AUX AFFLIGÉS?
10. Et maintenant, Seigneur, tout cela est passé; et le temps a soulagé ma blessure. Puis-je approcher de votre bouche l’oreille de mon coeur? . O vous, qui êtes la vérité, me direz-vous : Pourquoi les larmes sont douces aux malheureux? — Mais peut-être, quoique présent partout, avez-vous rejeté loin de vous notre misère? Et vous demeurez en vous-même, tandis que nous roulons dans l’instabilité. Et pourtant, si votre oreille ne s’inclinait (389) à nos pleurs, que resterait-il de notre espérance? D’où vient donc que l’on cueille à l’arbre amer de la vie ces fruits si doux de gémissements, de pleurs, de soupirs et de plaintes? Qui leur donne cette saveur? Est-ce l’espérance que vous nous entendez? Cela est vrai de la prière, mue du désir d’arriver jusqu’à vous. Mais quoi de semblable dans une telle affliction, dans cette funèbre douleur où j’étais enseveli? Je n’espérais pas le voir revivre, mes pleurs ne demandaient pas ce retour; je gémissais pour gémir, je pleurais pour pleurer. Car j’étais malheureux, j’avais perdu la joie de mon âme. Serait-ce donc qu’affadi de regrets, dans l’horreur où le plonge une perte chère, le coeur se réveille au goût amer des larmes?
