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Aug. Cette comparaison semble te faire entendre suffisamment comment l'âme peut n'être pas divisée, quand le corps vient de l'être; vois maintenant comment peuvent vivre ces parties d'un corps démembré quoique l'âme ne le soit pas. Tu l'as admis et, je crois, avec raison : lorsqu'on prononce quelque nom, le sens qui est comme l'âme, ne saurait être divisé, quoique le son, qui est comme le corps, puisse être partagé. Le mot de soleil, quand on en divise le son, ne conserve aucun sens dans aucune de ses parties aussi quand un nom est en quelque sorte déchiqueté, et que les lettres ont perdu toute signification , nous considérons ces lettres comme les membres inanimés d'un corps sans vie. Mais si nous trouvons un mot dont chaque partie ait un sens même après la séparation, tu devras avouer que cette espèce de démembrement n'a pas entièrement produit la mort; chaque partie considérée individuellement, signifiant quelque chose, semblera respirer encore. — Ev. Je l'avouerai de tout coeur : Mais quel est ce nom? — Aug. Le voici: si près encore du soleil dont nous venons de parler, je pense au mot Lucifer (porte-lumière). Divise-le entre la seconde et la troisième syllabe ; la première partie luci (lumière) a encore un sens, la moitié de ce corps est vivante. L'autre moitié l'est aussi. On te la fait entendre lorsqu'on te commande de porter (ferre) quelque chose; quand on te dit : Porte. (fer) ce cahier, pourrais-tu obéir si ce mot fer ne signifiait rien ? En l'ajoutant à Luci on a Lucifer, le nom d'une étoile; en le retranchant il a encore un sens, il semble conserver la vie.
