17.
Tout ce que nous disons là d'une nature ineffable ne doit point étonner, quand des réalités de ce genre se rencontrent même dans des objets que nous voyons des yeux du corps et que nous jugeons par nos sens. En effet quand on nous questionne sur une source, nous ne pouvons dire que c'est le fleuve même; questionnés sur le fleuve lui-même, nous ne pouvons pas dire que c'est la source; et le breuvage que nous puisons à la source ou au fleuve, nous ne pouvons l'appeler ni fleuve ni source. Néanmoins dans cette espèce de trinité ce que nous nommons de l'eau est de l'eau, et aux questions qu'on nous adresse en détail nous pouvons répondre que c'est de l'eau. Car, quand je demande s'il y a de l'eau dans la source, on me répond affirmativement; s'il yen a dans le fleuve, on me répond de même; et s'il s'agit de ce que je bois, ce sera encore de l'eau ; et cependant on ne dira pas qu'il y a trois eaux, mais une seule eau. Sans doute il faut bien prendre garde d'assimiler la substance ineffable de la Majesté divine à cette source visible et matérielle, ou à. ce fleuve, ou à ce breuvage. Car ici l'eau qui est maintenant à la source, passe dans la fleuve et ne demeure point où elle était; et quand elle est prise au fleuve, ou à la source pour servir de boisson, elle n'est plus à l'endroit d'où on l'a tirée. Il peut donc arriver que la même eau soit tour à tour nommée source, fleuve, breuvage; tandis que nous avons dit que dans la Sainte-Trinité il ne peut jamais se faire que le Père soit le Fils ou le Saint-Esprit; de même que, dans un arbre, la racine n'est que la racine, le tronc que le tronc, la branche que la branche, car ce qu'on appelle racine, ne peut être appelé tronc ou branche, et la partie du bois qui appartient à la racine né saurait être tantôt dans la racine, tantôt dans les branches, mais est uniquement dans la racine bien que le même nom subsiste et qu'en règle la racine soit du bois, le tronc du bois, les branches du bois, et qu'il n'y ait pas trois bois, mais un seul bois.
Si cette comparaison n'est pas exacte et qu'on puisse avec raison dire qu'il y a trois bois, vu la différence de force ; du moins tout le monde accorde que, si on emplit trois vases à une même fontaine, on peut bien dire trois vases, mais non trois eaux ; car n'y a réellement qu'une eau; quoique, interrogé sur le contenu de chaque vase, vous répondiez trois fois que c'est de l'eau et qu'il n'y ait pas de déplacement, comme nous le disions en parlant de la source qui passe dans le fleuve. Nous donnons ces exemples pris du monde matériel, non pour établir une comparaison avec la nature divine, mais pour montrer que ce genre d'unité existe même dans les corps; pour faire comprendre que certaines choses qui sont trois, prises en détail, peuvent cependant s'entendre sous un seul nom employé au singulier, et qu'ainsi l'on ne trouve ni étonnant ni absurde que nous disions que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, que l'Esprit-Saint est Dieu, et qu'il n'y a cependant pas trois Dieux dans la Sainte-Trinité, mais et un seul Dieu et une seule substance
