II.
« Mais Dieu est bon, et très-bon, s'écrie-t-on! Il est compatissant, il se plaît à pardonner; il est abondant en miséricorde, il la préfère à tous les sacrifices; il aime mieux le repentir du pécheur que sa mort; » il sauve tous les hommes, et surtout les fidèles. Il faudra donc que les enfants de Dieu aiment aussi la miséricorde et la paix; « se pardonnant mutuellement comme Dieu nous a pardonné; ne jugeant pas pour n'être pas jugés; car si le serviteur tombe ou demeure ferme, cela regarde son maître; qui êtes-vous pour oser ainsi condamner le serviteur d'autrui? Pardonnez, et il vous sera pardonné. »
Voilà par quels prétextes frivoles ils se prévalent de la bonté de Dieu et s'endorment dans leur mollesse, cherchant plutôt à énerver qu'à fortifier la discipline; mais nous pouvons les réfuter par autant de textes contraires, qui proclament la sévérité de Dieu et nous invitent à la fermeté. En effet, quoique Dieu soit bon par nature, il est juste néanmoins. Voilà pourquoi, s'il sait guérir, il sait aussi perdre; « s'il donne la paix, il envoie aussi les maux; s'il préfère le repentir, » il défend aussi à Jérémie d'intercéder pour le peuple pécheur. « Lorsqu'ils jeûneront, dit-il, je n'exaucerai pas leurs prières; » et ailleurs: « Prophète, ne prie pas pour ce peuple; n'élève pas pour lui tes hymnes et tes supplications, parce que je ne l'exaucerai pas au jour de ses cris vers moi, au jour de son affliction. » Plus haut encore ce même Dieu, qui préfère la miséricorde au sacrifice, parle ainsi: « Toi donc, ne prie pas pour ce peuple; ne me demande pas de lui faire miséricorde, et ne viens pas me supplier pour lui, parce que je ne t'exaucerai point; » c'est-à-dire, quand il implorera ma miséricorde, quand il fera pénitence dans les larmes et le jeûne, quand il m'offrira le sacrifice de son affliction. « Dieu en effet est un Dieu jaloux, et dont ne peuvent se moquer » ceux qui présument trop de sa bonté. Il a beau être patient, il n'en menace pas moins, par la bouche d'Isaïe, de mettre un terme à sa patience. « Jusqu'ici je me suis tu, dit-il; me tairai-je toujours?
Attendrai-je éternellement? J'ai été plein de patience; je me lèverai comme dans l'enfantement, et je détruirai.
---- La flamme marchera devant sa face et elle dévorera ses ennemis, en tuant non-seulement le corps, mais en précipitant les ames dans les enfers. »
D'ailleurs, comment le Seigneur menace-t-il ceux qui jugent? Il nous l'apprend lui-même. « Vous serez jugés comme vous aurez jugé les autres. » Voilà pourquoi l'Apôtre prononce, et cela dans une cause de fornication, « que le coupable doit être livré à Satan, pour être puni dans son corps. » Il va même jusqu'à reprocher à ses frères de ne pas porter leurs différends devant les saints, quand il ajoute: « Pourquoi entreprendrais-je de juger ceux qui sont hors de l'Eglise? Vous pardonnez pour qu'il vous soit pardonné par Dieu. » Les péchés sont purifiés, d'accord; mais les péchés contre un de nos frères, et. non pas les péchés contre Dieu.
En un mot, nous faisons profession dans la prière de remettre à nos débiteurs leur dette. Mais il ne convient pas d'aller plus loin, ni d'invoquer contradictoirement dans les conflits de la discussion l'autorité des Ecritures, ici pour resserrer le frein de la discipline, là pour le relâcher, comme si ces Ecritures étaient incertaines, et qu'incertain fût aussi le secours de la pénitence; ici faisant bon marché de la discipline par son indulgence, là refusant le pardon par sa rigueur. Or, l'autorité de l'Ecriture demeurera immuable dans ses limites, sans opposition réciproque, si le secours de la pénitence est renfermé dans ses conditions, sans concession amollissante, et si les causes elles-mêmes sont distinguées, sans proposition qui les confonde. Nous le déclarons, les causes de la pénitence ce sont les péchés, que nous divisons en deux catégories: les uns seront rémissibles, les autres irrémissibles. D'après ce partage, il n'est douteux pour personne que les uns méritent le châtiment, les autres la damnation. Tout péché est expié par le pardon ou par le supplice; par le pardon, au moyen du châtiment; par le supplice, au moyen de la damnation, Pour établir cette différence, nous avons déjà cité quelques passages, également plausibles, empruntés aux Ecritures, qui, d'une part, retiennent, de l'autre remettent les péchés. Mais Jean va nous instruire: « Si quelqu'un sait que son frère a commis un péché qui ne va point à la mort, qu'il prie, et Dieu donnera la vie à cet homme dont le péché ne va point à la mort. » Voilà le péché rémissible. « Mais il y a un péché qui va à la mort, et ce n'est pas pour ce péché là que je dis qu'il faut prier. » Voilà le péché irrémissible. Ainsi, là où se trouve la condition ou le motif de la demande, là se trouve aussi la condition ou le motif de la rémission. Où il n'y a ni condition, ni motif pour la demande, il n'y en a pas davantage pour la rémission. La condition de la pénitence se fonde aussi sur cette distinction des péchés. Il y aura une pénitence qui pourra obtenir le pardon, c'est-à-dire lorsque le péché est rémissible. Il y aura une autre pénitence qui ne pourra jamais l'obtenir, c'est-à-dire quand le péché est irrémissible. Il reste donc à examiner spécialement la nature de l'adultère et de la fornication, pour savoir dans quelle classe de péchés ils doivent être rangés.
