VI.
---- D'accord. Montre-moi sur le patronage de quels exemples ou de quels préceptes divins tu ouvres la porte de la pénitence à l'adultère lui seul, et dans sa personne à la fornication. L'attaque se renfermera désormais dans cette ligne de démarcation. Toutefois, il est nécessaire que j'en circonscrive ici la forme, de peur que tu ne tendes la main vers le passé, ou que tu ne regardes en arrière, « car ce qui était ancien est passé, » suivant Isaïe. « Le renouvellement s'est opéré, » dit Jérémie: « nous avons oublié ce qui est derrière nous, écrit l'Apôtre, pour nous avancer vers ce qui est devant nous. » Enfin, « la loi et les prophètes, d'après le Seigneur lui-même, n'ont subsisté que jusqu'à Jean. » En effet, si nous avons commencé par invoquer la loi pour caractériser l'adultère, nous avons bien fait de recourir à la loi que le Christ « n'est point venu détruire, mais accomplir. » Si les fardeaux de la loi ont subsisté jusqu'à Jean, il n'en va pas de même de ses remèdes; le joug des actions a été rejeté, mais non le joug de la discipline; la liberté dans le Christ n'a point fait tort à l'innocence. La loi de la piété, de la sainteté, de l'humanité, de la vérité, de la chasteté, de la justice, de la miséricorde, de la bienveillance, de la pudicité, demeure tout entière. Il est dit dans cette loi : « Bienheureux l'homme qui la médite et le jour et la nuit. » C'est d'elle encore que David a dit: « La loi du Seigneur est irréprochable; elle convertit les ames. Les ordres du Seigneur sont droits; ils réjouissent les cœurs; le précepte du Seigneur brille au loin; il éclaire les yeux. » L'apôtre dit également: « Ainsi, la loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon; » par conséquent aussi ce précepte: « Tu ne commettras point d'adultère. » Il y a mieux; il dit plus haut: « Détruisons-nous donc la foi par la loi? A Dieu ne plaise! au contraire, nous l'établissons, » c'est-à-dire sur les points qui, interdits une seconde l'ois aujourd'hui dans le nouveau Testament, sont prohibés par un précepte plus rigoureux encore. Au lieu de « Tu ne commettras point l'adultère, » on lit: « Quiconque regarde avec convoitise a déjà commis l'adultère au fond de son cœur; » et au lieu de « Tu ne tueras point, » ---- on lit encore: « Quiconque dit à son frère, Raca, sera digne de l'enfer. » Demande maintenant si la loi qui défend l'adultère subsiste encore quand elle s'est fortifiée de la prohibition de la convoitise.
Au reste, si quelques exemples paraissent militer pour vous, ils ne seront point en contradiction avec la discipline que nous soutenons. Inutilement, ce semble, eût été surajoutée une loi qui ne fait pas plus de grâce à l'origine du péché, c'est-à-dire à ses causes et à la volonté, qu'à l'action elle-même, si le pardon accordé autrefois à l'adultère était une raison pour qu'il fût encore accordé aujourd'hui. Pourquoi la discipline est-elle assujettie de nos jours à des règles plus parfaites, sinon pour que ta molle condescendance l'énervé davantage peut-être? Tu donneras donc là paix à tout idolâtre et à tout apostat, parce que nous voyons le peuple autant de fois rétabli qu'il tomba dans le crime? Tu resteras en communion avec l'homicide, parce que le roi Achab effaça par la prière le sang de Naboth, et que David expia, par sa confession, le meurtre d'Urie et l'adultère qui avait été l'origine de ce meurtre? Désormais tu remettras l'inceste, à cause de Loth; la fornication, jointe à l'inceste, à cause de Judas; les noces souillées par la prostitution, à cause d'Osée; les mariages répétés, que dis-je? la polygamie elle-même, à cause de nos pères, car le pardon doit s'appliquer indistinctement à tout ce qui était autrefois l'objet de l'indulgence, si l'on s'autorise de l'exemple ancien pour accorder le pardon à l'adultère. Nous avons à l'appui de notre sentiment des exemples qui, empruntés à cette même antiquité, prouvent que la fornication, loin d'avoir obtenu miséricorde, a subi sa sentence. Il me suffirait de dire que vingt-quatre mille hommes, nombre immense! périrent du même coup pour avoir péché avec les filles de Moab. Mais j'aime mieux, pour la gloire du Christ, emprunter au Christ lui-même sa discipline.
Eh bien! que les temps passés aient eu toute liberté pour se précipiter dans l'impudicité, puisque les Psychiques le veulent. Que la chair ait pris ses ébats avant le Christ, ou plutôt qu'elle se soit perdue avant qu'elle eût été recherchée par son maître, elle n'était pas digne encore du don du salut, ni propre à l'office de la sainteté. Elle était encore tyrannisée en Adam par ses convoitises, toujours prête à convoiter les beautés apparentes, attachant ses yeux à la terre, et gardant l'impatience de ses désirs depuis ses feuilles de figuier. Le poison de la volupté fermentait constamment en elle, et les souillures qu'elle avait contractées ne pouvaient être purifiées, parce que les eaux purifiantes n'existaient pas encore. Mais depuis que le Verbe de Dieu fut descendu dans une chair qui n'avait pas même été ouverte par le mariage, depuis que le Verbe se fut incarné dans une chair qui ne devait pas même s'ouvrir pour le mariage, puisqu'elle venait, non pour embrasser le bois de l'intempérance, mais de la souffrance; non pour goûter quelque doux breuvage, mais le breuvage amer; puisqu'elle appartenait, non pas aux enfers, mais au ciel; puisqu'elle se ceignait les reins, non des rameaux honteux de la volupté, mais des fleurs de la sainteté; puisqu'elle communiquait aux eaux la vertu de sa pureté, dès-lors la chair qui se délivre dans Jésus-Christ de ses souillures anciennes, devient une chose différente, et sort entièrement renouvelée. Ce n'est plus cette chair formée par le limon de sa semence et le bourbier de sa convoitise; c'est une chair refaite par une eau pure et par l'Esprit saint. Pourquoi donc la justifier d'après le passé? Elle ne s'appelait ni le corps de Jésus-Christ, ni les membres de Jésus-Christ, ni le temple de Dieu, lorsqu'elle obtenait le pardon de l'adultère. Voilà pourquoi, si, depuis qu'elle a changé d'état pour être baptisée dans le Christ, elle a revêtu le Christ, et a été rachetée à un grand prix, c'est-à-dire par le sang du Seigneur et de l'Agneau, tu as sous la main un exemple qui sert de précepte, de forme et de jugement, dans le pardon qui a été accordé ou qu'il faut accorder à la fornication et à l'adultère. Tu as aussi, pour déterminer, l'âge de cette question, l'époque que nous avons fixée.
