CHAPITRE XVIII.
FIGURE DE JÉSUS-CHRIST ET DE SON ÉGLISE DANS ADAM, SETE ET ÉNOS.
« Seth », dit la Genèse, «eut un fils, qu’il appela Enos; celui-ci mit son espérance à invoquer le nom du Seigneur1 ». Voilà le témoignage que rend la Vérité. L’homme donc, fils de la résurrection, vit en espérance tant que la Cité de Dieu, qui naît de la foi dans la résurrection de Jésus-Christ, est étrangère en ce monde. La mort et la résurrection du Sauveur sont figurées par ces deux hommes, par Abel, qui signifie deuil, et par Seth, son frère, qui veut dire résurrection. C’est par la foi en Jésus ressuscité qu’est engendrée ici-bas la Cité de Dieu, c’est-à-dire l’homme qui a mis son espérance à invoquer le nom du Seigneur. « Car nous sommes sauvés par l’espérance, dit l’Apôtre: or, quand on voit ce qu’on avait espéré voir, il n’y a plus d’espérance; car qui espère voir ce qu’il voit déjà? Que si nous espérons voir ce que nous ne voyons pas encore, c’est la patience qui nous le fait attendre2 ». En effet, qui ne jugerait qu’il y a ici quelque grand mystère? Abel n’a-t-il pas mis son espérance à invoquer le nom du Seigneur, lui dont le sacrifice fut si agréable à Dieu, selon le témoignage de l’Ecriture? Seth n’a-t-il pas fait aussi la même chose, lui dont il est dit : « Dieu m’a donné un autre fils à la place d’Abel3 ? » Pourquoi donc attribuer particulièrement à Enos ce qui est commun à tous les gens de bien, sinon parce qu’il fallait que celui qui naquit le premier du père des prédestinés à la Cité de Dieu figurât l’assemblée des hommes qui ne vivent pas selon l’homme dans la possession d’une félicité passagère, mais dans l’espérance d’un bonheur éternel? Il n’est pas dit: Celui-ci espéra dans le Seigneur; ou: Celui-ci invoqua le nom du Seigneur; mais: « Celui-ci mit son espérance à invoquer le nom du Seigneur». Que signifie: «Mit son espérance à invoquer » si ce n’est l’annonce prophétique de la naissance d’un peuple qui, selon l’élection de la grâce, invoquerait le nom de Dieu? C’est ce qui a été dit par un autre prophète; et l’Apôtre l’explique de ce peuple qui appartient à la grâce de Dieu: « Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés4 » . Ces paroles de l’Ecriture : « Il l’appela Enos, c’est-à-dire l’homme », et ensuite: « Celui-ci mit son espérance à invoquer le nom du Seigneur », montrent bien que l’homme ne doit pas placer son espérance en lui-même. Comme il est écrit ailleurs « Maudit est quiconque met son espérance en l’homme5 »; personne par conséquent ne doit non plus la mettre en soi-même, afin de devenir citoyen de cette autre cité qui n’est pas dédiée sur la terre par le fils de Caïn, c’est-à-dire pendant le cours de ce monde périssable, mais dans l’immortalité de la béatitude éternelle.
