9.
Dès que les Juifs entendent les passages précités des psaumes, ils relèvent la tête et répondent : Nous voilà : c'est de nous qu'il est question dans ces psaumes ; c'est à nous que le Psalmiste a parlé, car nous sommes Israël, le peuple de Dieu; nous nous reconnaissons dans ces paroles du Prophète: « Ecoutez, mon peuple, et je vous parlerai : Israël, écoutez-moi, et je vous attesterai la vérité ». A cela que pouvons-nous répondre ? Nous connaissons, il est vrai un Israël spirituel dont parle l'Apôtre quand il dit: « Et tous ceux qui se conduiront selon cette règle, la paix et la miséricorde à eux et à l'Israël de Dieu1 ». Pour cet Israël, dont le même Apôtre nous dit : « Considérez les Israélites selon la chair2 », nous savons qu'il est charnel. Mais les Juifs ne le comprennent pas, et par là ils se donnent à eux-mêmes la preuve qu'ils sont charnels. Entretenons-les quelques instants, comme s'ils étaient présents.
Est-il possible que vous apparteniez à ce peuple que le Dieu des dieux a appelé depuis le lever jusqu'au coucher du soleil? N'êtes-vous pas venus d'Egypte dans la terre de Chanaan ? Vous n'avez pas été appelés des pays qui sont au levant et au couchant, mais vous êtes venus d'Égypte pour vous disperser en Orient et en Occident. N'êtes-vous pas plutôt du nombre des ennemis de celui qui a dit dans le psaume : « Mon Dieu m'a fait voir la manière dont il veut traiter mes ennemis : ne les faites pas mourir, de peur qu'on n'oublie votre loi : dispersez-les par votre puissance3 ». C'est pourquoi n'oubliant pas la loi. de Dieu , vous la portez partout comme un enseignement pour les Gentils, et un opprobre pour vous : vous ne la connaissez pas, et vous la transmettez au peuple, qui a été appelé depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher. Le nierez-vous ? Si vous ne voyez point le manifeste et indubitable accomplissement d'une prédiction si autorisée, à quoi le devez-vous, sinon à un aveuglement plus complet? Et si, le voyant, vous ne l'avouez pas, n'est-ce point le fait d'une rare impudence ? Que répondrez-vous donc à ce passage du prophète Isaïe : « Dans les derniers temps, la montagne sur laquelle se bâtira la maison du Seigneur, sera fondée sur le haut des monts, et elle s'élèvera au-dessus des collines; toutes les nations y accourront en foule, en disant : Allons, montons à la montagne du Seigneur, et à la maison du Dieu de Jacob : il nous enseignera la voie du salut, et nous y marcherons, parce que la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur de Jérusalem4 ». Parce que vous avez entendu le prophète parler de la maison de Jacob, de Sion, et de Jérusalem, répondrez-vous: Nous voilà? Mais nous ne nions point que la race de Jacob soit la source d'où est sorti, selon la chair, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qu'Isaïe a désigné sous l'emblème d'une montagne placée sur la cime des monts, parce que sa grandeur surpasse toutes les grandeurs : nous l'avouons, les apôtres et les églises de Judée, qui ont cru en Jésus-Christ aussitôt après sa résurrection, appartiennent à la maison de Jacob : on ne doit voir spirituellement en Jacob que le peuple chrétien; quoique d'origine plus nouvelle que le peuple juif, il le surpasse néanmoins en grandissant et il le subjugue :et ainsi se trouve accompli ce qui a été figurativement prédit des deux fils d'Isaac : « L'aîné sera assujéti au plus jeune5 ». Dans le sens spirituel, Sion et Jérusalem servent à désigner l'Église : cependant ces deux noms servent plus encore à porter contre les Juifs un témoignage écrasant, car là ils ont crucifié le Sauveur, et c'est de là que se sont répandues, parmi les peuples, la loi et la parole de Dieu. La loi qui leur a été donnée par Moïse, cette loi dont ils se glorifient si orgueilleusement, et d'où ils tirent leur plus formelle condamnation, ne leur est, tout le monde le sait, venue ni de Sion, ni de Jérusalem, mais de la montagne du Sinaï : ils l'avaient reçue depuis quarante ans, et ils l'apportèrent avec eux lorsqu'ils entrèrent dans la terre promise, où se trouve Sion, aussi nommée Jérusalem. Ce n'est donc ni là, ni de là qu'ils l'ont reçue, et il est hors de doute que Sion a été le berceau de l'Evangile de Jésus-Christ et de la loi de foi. Après sa résurrection, le Sauveur lui-même, parlant à ses disciples et leur montrant que toutes les prophéties contenues dans les divines Ecritures, s'étaient accomplies en sa personne, dit aussi : « C'est ainsi qu'il est écrit, et c'est ainsi qu'il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât d'entre les morts le troisième jour, et qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations,. en commençant par Jérusalem6 ». Isaïe l'avait déjà annoncé par ces paroles : « De Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole du Seigneur». Car le Saint-Esprit descendit à Jérusalem sur tous ceux qui étaient enfermés ensemble dans le Cénacle, les remplit de sa vertu, et leur donna de parler les langues de toutes les nations7 : et ils en sortirent pour prêcher et faire connaître l'Evangile à tous les peuples. De même, en effet, que le cinquantième jour après la célébration de la pâque, le Seigneur a écrit de sa propre main, emblème du Saint-Esprit, la loi Mosaïque promulguée sur le mont Sinaï : ainsi, le cinquantième jour après la véritable pâque, c'est-à-dire, après la passion et la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'Esprit-Saint a écrit, non sur des tables de pierre, mais dans le coeur des évangélistes, la loi chrétienne qui nous est venue de Sion et de Jérusalem : car en ce jour fut envoyé l'Esprit-Saint promis auparavant.
