5.
Que la terre produise de l'herbe verte. Ces paroles renferment une multitude d'aliments qui nous sont propres, soit dans l'herbe même , soit dans les racines , soit dans les fruits , aliments venus d'eux-mêmes, ou par les soins de l'agriculture. Dieu n'ordonne pas à la terre de produire sur-le-champ la graine et le fruit, de produire d'abord l'herbe verte, et d'arriver successivement jusqu'à la graine, afin que le premier ordre fût à la nature une leçon pour toute la suite des siècles. Mais, dit-on, comment la terre produit-elle des graines selon l'espèce , puisque souvent , quand nous avons semé de bon blé, nous recueillons du froment noir ? Mais ce n'est point là un changement d'espèce, c'est une simple altération, et comme une maladie du grain, qui ne cesse pas d'être blé, mais qui étant brûlé se noircit comme l'apprend le nom même. Le grain brûlé par un froid excessif change de couleur et de goût. On prétend même que, lorsqu'il trouve un terrain favorable et une bonne température, il revient à sa première forme. Ainsi, aucune des productions n'offre rien de contraire au premier ordre du Créateur. Ce qu'on appelle ivraie , qui se trouve mêlé avec le bon grain , et dont il est parlé dans l'Ecriture, ne vient pas d'un blé altéré, mais est dans l'origine une plante d'une espèce particulière. Elle est une image de ceux qui corrompent les préceptes du Seigneur, et qui n'ayant pas été instruits selon la vérité, mais qui étant imbus de doctrines perverses, se mêlent dans. le corps sain de l'Eglise, afin d'inspirer sourdement aux vrais fidèles leurs dogmes pernicieux. Le Seigneur, dans un passage de l'Évangile , compare l'état parfait des hommes qui ont cru en lui , à l'accroissement des semences. Le royaume des cieux, dit-il , est semblable à ce qui arrive lorsqu’un homme a jeté de la semence en terre. Soit qu'il dorme ou qu’il se lève, la nuit et le jour, la semence germe et croit sans qu’il sache comment. Car la terre produit premièrement l'herbe, ensuite l'épi, puis le blé tout formé qui remplit l’épi ( Marc. 4. 26 et suiv.).
Que la terre produise de l'herbe verte. Dès que ces paroles eurent été prononcées, en un moment la terre, pour obéir aux lois du Créateur, commençant par produire de l’herbe , parcourant tous les degrés de l'accroissement, conduisit aussitôt les plantes à une entière perfection. Et bientôt on vit des prairies couvertes d'une grande abondance d'herbes , des campagnes fertiles chargées de moissons ondoyantes , qui , dans le balancement des épis, offraient l’image d'une mer dont les flots sont agités ; l’on vit une grande multitude d'herbes de toute espèce, de légumes et d'arbustes, se répandre sur toute la surface de la terre. Car alors les productions n'avaient à éprouver aucun mauvais succès, aucun accident, aucune maladie, ni par l'ignorance du laboureur, ni par l'intempérie de l'air, ni par nulle autre cause. Une sentence rigoureuse n'empêchait pas non plus la fertilité de la terre, dont les premières productions étaient plus anciennes que la faute pour laquelle nous avons été condamnés à manger notre pain à la sueur de notre front.
