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C'est pourquoi Paul, qui avait des réprimandes aussi graves que nombreuses à faire aux Corinthiens, n'en trouve pas qui fiassent plus importantes que celle d'avoir manqué à ce devoir. Il avait à leur faire des reproches au sujet de la fornication, de leur arrogance, des tribunaux du dehors, des festins dans les temples d'idoles, et sur ce que les femmes ne se couvraient pas la tête, tandis que les hommes le faisaient; il en avait encore, des reproches à leur faire, concernant le mépris des pauvres, l'arrogance que les dons divins avaient fait naître en eux, et aussi relativement à la résurrection des corps; il avait en outre à les blâmer au sujet de leurs querelles et de leurs procès ; il passe sur tout le reste , et c'est contre leurs divisions et leurs schismes qu'il s'élève tout d'abord. Et si vous le permettez, je vous montrerai jusqu'à l'évidence par les paroles mêmes de saint Paul, que c'est là le reproche auquel il attache le plus d'importance. Ils s'étaient livrés à la fornication, écoutez comment il en parle : C'est un bruit constant que la fornication existe parmi vous. (I Cor. V, 1.) Ils s'étaient livrés à des pensées d'orgueil . Quelques-uns se sont enflés comme si je ne devais pas aller vers vous. (Ib. IV, 18.) Ils en avaient appelé, pour juger leurs différends, aux tribunaux du dehors : Quelqu'un d'entre vous ayant une affaire contre un autre ose faire porter le jugement par des infidèles. (Ib. VI, 1.) Ils avaient mangé des viandes consacrées aux idoles : Vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons. (Ibid. X, 21.) Et sur ce que les femmes ne se voilaient pas, tandis que les hommes le faisaient, écoutez comment il les reprend, quand il dit: Tout homme qui prie ou qui prophétise, ayant la tête couverte, déshonore sa tête, mais toute femme qui prie ou qui prophétise sans avoir la tête voilée, déshonore sa tête. (Ibid. XI, 4, 5.) Ils avaient méprisé les pauvres, l'Apôtre le fait voir clairement par ces paroles : L'un a faim et l'autre est ivre (I Cor. XI, 21); et encore : Ou méprisez-vous l'Église de Dieu, et couvrez-vous de confusion ceux qui n'ont rien? (Ib. 22.) Ils ambitionnaient les plus grands dons du Saint-Esprit et ils dédaignaient les moindres; on le voit par ces paroles de l'Apôtre: Est-ce que tous sont apôtres ? est-ce que tous sont prophètes ? (Ibid. XII, 29.) Ils avaient douté de la résurrection, en voici la preuve. Mais dira quelqu'un : comment ressuscitent les morts? dans quel corps viennent-ils ? (Ibid. XV, 35.) Ayant à leur reprocher tant de choses, il ne leur en dit rien cependant avant de leur avoir parlé de la division et du déchirement de l'Église. Dès le commencement de l'Épître, il leur en parle en ces termes : Je vous conjure, mes Frères, par le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de dire tous la même chose, et qu'il n'y ait point de schisme parmi vous. (Ib. I, 10.) Il savait, certes, il savait parfaitement que c'était ce qui pressait le plus. Le fornicateur, s'il entre habituellement à l'église, celui que l'orgueil ou un autre vice domine; s'ils profitent des instructions ordinaires, se corrigeront aisément; mais celui qui s'est séparé lui-même de l'assemblée des fidèles, qui s'est soustrait à l'enseignement des pères et aux remèdes du médecin, celui-là, encore qu'il paraisse se bien porter, tombera bientôt malade. Semblable à un médecin habile qui éteint d'abord le feu de la fièvre avant d'appliquer le remède aux plaies et aux ruptures, saint Paul veut avant tout supprimer les schismes, et ce n'est qu'après qu'il songe à soigner les blessures de chaque membre. Voilà pourquoi ce reproche vient avant tous les autres, et pourquoi il leur recommande d'éviter les divisions, de ne pas se choisir des maîtres particuliers et de ne pas séparer les membres du corps de Jésus-Christ. Et ce n'est pas seulement aux Corinthiens que s'adressent ces paroles de l'Apôtre, mais encore, après eux, à ceux dont les âmes sont travaillées des mêmes maladies. Il en est à qui je demanderais volontiers ce que c'est que la pâque, ce que c'est que le carême, qu'est-ce que le judaïsme et qu'est-ce que le christianisme; pourquoi telle cérémonie n'arrive qu'une seule fois dans toute l'année, tandis que telle autre s'accomplit à chaque réunion; que signifient les azymes et beaucoup d'autres choses semblables? L'embarras où ils seraient de répondre montrerait clairement qu'ils se livrent mal à propos à la contention, eux qui ne peuvent pas même rendre raison de ce qu'ils font chaque jour. Cela rie les empêche pas de se croire plus sages que tous les autres, et, chose extrêmement condamnable, de n'accepter de leçons de personne, malgré l'excessive ignorance où ils sont de tout; de refuser toute espèce d'ordres et de conseils, et de faire dépendre témérairement leurs intérêts d'une coutume dont ils ne peuvent rendre compte, et de rouler ainsi dans les abîmes et les précipices.
