5.
Le catéchumène ne célèbre certainement jamais la pâque, bien 'qu'il jeûne chaque année, parce qu'il ne communie pas à l'oblation; au contraire, le chrétien qui ne jeûne pas, s'il s'approche du sacrement avec une conscience pure, célèbre la pâque, qu'il participe à la communion aujourd'hui, demain ou n'importe quel jour. Ce n'est pas par l'observation des temps mosaïques, c'est par la pureté de la conscience que l'on juge de la disposition de celui qui s'approche de la table sainte; cependant nous sommes si peu raisonnables que nous faisons le contraire. Nous ne purifions pas l'âme; et pourvu que nous nous approchions des saints mystères le jour de Pâques , nous croyons que nous célébrons Pâques, quand même nous serions tombés dans une infinité de péchés. Mais nous nous trompons; non, quand vous vous approcheriez du banquet sacré, le jour même du sabbat, si votre conscience est mauvaise, votre communion ne vaut rien; vous sortez de l'église sans avoir satisfait au devoir pascal; au contraire si vous communiez après avoir purifié votre conscience, quand ce serait aujourd'hui, vous avez parfaitement célébré la pâque. Il vous faudrait donc appliquer toute votre diligence et votre ardeur, non pas à observer exactement les temps mosaïques, mais à vous approcher dignement des saints mystères. Vous préféreriez maintenant tout endurer plutôt que de rompre entièrement avec les coutumes judaïques ; gardez cette fermeté, maïs transportez-la à un autre objet plus digne; ce souci que vous avez pour observer les coutumes des Juifs, ayez-le pour vous approcher sans péchés des sacrements.
Pour vous convaincre, en effet, que Dieu ne fait aucun cas des temps fixés pour les fêtes de l'Ancien Testament, ni de tant d'autres vaines observances, écoutez ce qu'il dira au jugement dernier : J'ai eu faim, et vous m'avez nourri; j'ai eu soif, et vous m'avez donné â boire J ai été nu, et vous m'avez revêtu (Matth. XXV, 35) ; ceux qui sont à la gauche, il leur reproche le contraire; vient ensuite un autre pécheur qu'il châtie pour son ressentiment et son manque de charité : Méchant serviteur, dit-il en effet, je vous ai remis toute votre dette; ne deviez-vous pas, vous aussi, avoir compassion de votre frère, comme j'ai eu compassion de vous? (Ib. XVIII, 32.) Il exclut aussi des vierges de la chambre nuptiale, parce qu'elles n'avaient pas d'huile dans leurs lampes (Ib. XXV, 7 et suiv.) ; un autre, parce qu'il était entré sans avoir l'habit nuptial (Ib. XXII, 4l et suiv.), et couvert de sordides vêtements, et rempli de fornication et d'impureté ; mais, on ne voit pas que jamais personne ait été châtié ni repris pour avoir fait la pâque en tel mois ou en tel autre.
Mais que parlé-je des chrétiens qui ont été délivrés de toute obligation semblable, et dont la conversation est en haut, dans les cieux, où il n'y a ni mois, ni soleil, ni lune, ni révolution des années? Les Juifs eux-mêmes, si l'on veut faire attention à ce qui se passe parmi eux, les Juifs ne considèrent l'observation fidèle des temps que comme un devoir d'une importance secondaire, le point capital de leur loi, le devoir auquel il leur est rigoureusement interdit de manquer, c'est l'observation du lieu, c'est de sacrifier à Jérusalem. Des hommes, en effet, s'étant approchés de Moïse, et lui ayant dit: Nous sommes impurs parce que nous avons approché d'un corps mort; comment, serons-nous privés pour cela d'offrir les dons au Seigneur ? (Nomb. IX, 7.) Tenez-vous là, leur répondit-il, et j'en référerai à Dieu. (Ibid. V, 8.) Puis, quand il en eut référé, il porta une loi par laquelle il était dit que si quelqu'un était impur pour avoir approché d'un corps mort ou si quelqu'un faisait un long voyage, et qu'il leur fût impossible de faire la pâque dans le premier mois, ils la feraient dans le second. (Ibid. V, 10.) Quoi donc ! chez les Juifs l'observation du temps est supprimée pour que la pâque se fasse à Jérusalem; et vous, vous ne préférez pas à l'observation servile du temps l'accord et l'union de l'Eglise ! vous affectez d'observer rigoureusement les jours, et dans votre égarement, vous osez insulter à notre commune Mère; vous divisez la sainte assemblée ! N'espérez aucun pardon, vous qui n'avez aucune excuse pour commettre de tels péchés.
Mais je vais plus loin et j'affirme qu'avec la meilleure volonté du monde;. il nous est tout à fait impossible d'observer le jour dans lequel Jésus-Christ a été crucifié. Je vais vous le prouver d'une manière évidente. Oui, quand même les Juifs n'auraient pas transgressé la loi de Dieu et ne seraient ni ingrats, ni stupides, ni plongés dans l'insouciance et le mépris des choses du salut; quand ils ne seraient pas déchus des institutions de leurs pères; quand ils les garderaient maintenant avec soin, il nous serait impossible, même alors, en marchant sur leurs traces, d'observer le jour dans lequel Jésus-Christ a été crucifié et a célébré la- pâque. Pourquoi ? Je vais vous le dire. Le jour où il a été crucifié était le premier jour des azymes et la veille du sabbat, coïncidence qui n'arrive pas tous les ans. Voici, en effet, que dans, l'année présente, le premier jour des azymes tombe un jour de dimanche, et c'est une nécessité de jeûner toute la semaine : la passion est passée, nous avons assisté au supplice de la croix, à la résurrection même, et le jeûne dure encore. II arrive donc souvent que le jeûne se prolonge après la croix, après la résurrection, la semaine n'étant pas encore finie: ainsi, il n'y a aucune observation du temps.
