2.
Vous le voyez, la Loi tire du lieu toute sa vertu! Qu'il ne puisse pas même y avoir de prêtre chez les Juifs, depuis qu'ils sont privés de leur cité, voici qui le prouve d'une manière évidente. De même qu'il ne peut y avoir de roi, s'il n'y a ni armées, ni diadème, ni pourpre, ni rien de tout ce qui compose essentiellement la royauté : ainsi ne peut-il y avoir non plus de prêtres, quand le sacrifice a été abrogé, l'oblation défendue, les choses saintes foulées aux pieds, tout l'ancien état de choses aboli, car le sacerdoce consistait en toutes ces choses. Il nous suffisait donc, comme nous l'avons dit précédemment,. pour prouver que ni les sacrifices ni les holocaustes, ni le reste des purifications ni aucune autre partie des institutions judaïques ne reviendront plus, il suffisait de donner la preuve que le temple ne sera plus jamais relevé. Tout, en effet, est aboli, maintenant que le temple n'existe plus, et que ce qu'on paraît faire n'est qu'une audacieuse prévarication : et la raison par laquelle on démontre que le temple ne sera jamais rebâti, démontre, en même temps, que les rites et le culte judaïques ne seront jamais rétablis, et qu'il n'y aura plus chez ce peuple ni prêtre, ni roi. N'étant plus ici dépendants, il est clair qu'ils ne peuvent avoir de roi, car, la défense faite aux simples particuliers de la nation juive de servir les étrangers oblige à plus forte raison leurs rois.
Mais, puisque nos efforts et nos soins ont pour but non-seulement de fermer la bouche à nos adversaires, mais aussi d'instruire votre charité, démontrons par de nouvelles raisons que tout ce qui appartient à leurs sacrifices et à leur sacerdoce a pris fin, pour ne plus jamais revivre. Qui le dit? L'admirable et grand prophète David. C'est lui qui déclare que ce genre de sacrifice doit être rejeté et un autre introduit, et qui l'annonce en ces termes : Vous avez fait, vous, Seigneur mon Dieu, un grand nombre d'oeuvres merveilleuses, et il n'est personne qui vous soit semblable dans vos pensées. J'ai annoncé et j'ai parlé. (Ps. XXXix, 6.) Voyez la sagesse du prophète. Après avoir dit : Vous avez fait, vous, Seigneur mon Dieu, beaucoup d'œuvres merveilleuses, il est ravi d'admiration à la vue de la puissance étonnante de Dieu, et néanmoins, lorsqu'il veut nous découvrir la cause de ce ravissement, il ne nous entretient aucunement de la création visible, du ciel, de la terre, de la mer, de l'eau, du feu, ni des prodiges extraordinaires accomplis en Egypte, ni d'aucun autre miracle semblable ; mais quelles sont les merveilles dont il parle? Vous n'avez pas voulu de sacrifice ni d'oblation. (Ibid. V, 7.) Que dites-vous, de grâce ? Est-ce là quelque chose de prodigieux et d'étonnant ? Non assurément; mais il voyait autre chose ; d'un regard prophétique éclairé d'en-haut, il apercevait l'admission des Gentils dans l'Eglise de Dieu, il voyait comment ceux qui étaient alors comme cloués aux faux dieux , qui honoraient des pierres et étaient plus aveugles que des brutes, recouvreraient subitement la vue, reconnaîtraient le Maître de tout , et abandonnant le culte criminel des démons, adoreraient Dieu avec pureté et sans effusion de sang; il prévoyait encore que les meilleurs et les plus sincères de la nation juive, se détachant d'un culte tout matériel et qui consistait dans les sacrifices et les holocaustes , embrasseraient, eux aussi, la nouvelle religion; il réfléchissait à l'amour ineffable de Dieu pour les hommes, amour qui surpasse tout entendement ; et, saisi d'admiration à la vue du changement si considérable qui devait s'accomplir dans l'état du monde , de la transformation étonnante que devait opérer la puissance divine dans les moeurs des hommes qui cesseraient d'être des démons pour devenir des anges, transformation qui s'est accomplie lorsqu'une religion digne du ciel a fait son entrée dans le monde, et lorsque les anciens sacrifices ont disparu pour faire place au sacrifice nouveau, le sacrifice par le corps de Jésus-Christ; ravi, dis-je, et étonné de tant de merveilles, le Prophète s'écrie : Vous avez fait, vous, Seigneur mon Dieu, un grand nombre d'œuvres merveilleuses ! Et comme dans cette prophétie il parle au nom de Jésus-Christ, après avoir dit Vous n'avez voulu ni sacrifice ni oblation, il ajoute : mais vous m'avez préparé un corps, parlant du corps du Seigneur, du sacrifice commun institué pour le monde entier, qui a purifié nos âmes, détruit les péchés, fait cesser la mort, ouvert le ciel, découvert à nos yeux de nombreuses et grandes espérances, et disposé toutes les autres merveilles dont saint Paul, lorsqu'il les vit aussi, parla en s'écriant : O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont incompréhensibles , et ses voies impénétrables! (Rom. XI, 33.)
Voilà donc ce que voyait David lorsqu'il disait : Vous avez fait, vous, Seigneur mon Dieu , beaucoup d'oeuvres merveilleuses! Puis parlant au nom et à la place de Jésus-Christ, il dit : Vous n'avez pas eu pour agréables les holocaustes ni le sacrifice pour le péché; à quoi il ajoute : Alors j'ai dit : Voici que je viens. (Ps. XXXIX, 7, 8.) Alors, quand? Quand est venu le temps d'un enseignement plus parfait, car le moins parfait, il convenait de le recevoir des serviteurs; mais le plus sublime, celui qui surpasse la nature humaine, c'est du législateur même et du Maître qu'on devait le recevoir. C'est pourquoi Paul aussi a dit : Dieu ayant bien des fois et en beaucoup de manières parlé jadis à nos pères par les prophètes, nous a parlé , en ces derniers jours, par son Fils qu'il a établi héritier de toutes choses, par qui il a fait aussi les siècles. (Héb. I, 1, 2.) Et Jean à son tour : La Loi a été donnée par Moise, mais la grâce et la vérité ont été apportées par Jésus-Christ. (I, 17.) Aussi, le plus grand éloge mérité par la Loi, c'est qu'elle a préparé la nature humaine à recevoir le Seigneur. Ne croyez pas qu'il soit un Dieu récent ou qu'il ait introduit quelque nouveauté; écoutez en effet ce que dit le Prophète : En tête du Livre il est écrit de moi (Ps. XXXIX, 9), c'est-à-dire autrefois les prophètes ont prédit mon avènement, et dès le commencement des Ecritures, ils ont découvert ma divinité aux hommes.
