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Voilà ce que nous objectent nos adversaires; mais Paul leur oppose le passage en question, et c'est un coup terrible qu'il porte à ces effrontés, et bien suffisant pour les réduire au silence. Pour montrer que Dieu a rejeté et annulé l'antique institution à cause de son imperfection, il s'empare de ce témoignage, dans lequel il n'y a aucune accusation contre ceux qui offrent les sacrifices, mais où l'imperfection de l'institution mosaïque se montre d'elle-même à découvert. Le Prophète, en effet, n'accuse aucunement les Juifs, mais il dit simplement : Vous n'avez voulu ni hostie ni oblation, mais vous m'avez formé un corps; vous n'avez pas eu pour agréables les holocaustes ni le sacrifice pour le péché. (Ps. XLIII, 7.) Paul interprétant cette pensée dit encore : Il ôte le premier afin d'établir le second. (Héb. X, 9.) S'il avait dit: vous n'avez voulu ni hostie ni oblation, et qu'il n'eût rien ajouté, il eût laissé quelque latitude aux Juifs pour se défendre; mais en disant : Vous m'avez formé un corps, et en montrant l'introduction d'un autre sacrifice, il ne laisse aucun espoir de voir jamais le premier rétabli. Expliquant cela même, Paul dit encore : Par cette oblation la volonté de Jésus-Christ nous a sanctifiés. (Ibid. 8-10.) Car, si le sang des taureaux et des boucs, dit-il, et l'aspersion de la cendre d'une génisse sanctifient ceux qui sont souillés de manière à purifier leur chair, combien plus le sang de Jésus-Christ, qui par l'Esprit-Saint s'est offert lui-même victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience des oeuvres mortes? (Héb. IX, 13, 14.) Que ces sacrifices aient cessé, qu'un autre leur ait été substitué, et qu'ils ne doivent plus revenir, voilà, sans aucun doute, quelque chose qui le démontre péremptoirement. Reste une question dont nous poursuivons depuis longtemps la solution: il s'agit de prouver que cette forme du sacerdoce ne reparaîtra, ne reviendra plus ; c'est ce que nous allons faire aussi explicitement et aussi bien que possible par les Écritures mêmes, après quelques explications préliminaires indispensables pour rendre plus claire l'explication que nous avons à donner.
Abraham, revenu de la Perse , engendra Isaac ; celui-ci, Jacob; et Jacob, les douze patriarches, de qui sont sorties douze ou plutôt treize tribus; succédant, en effet, à Joseph, ses enfants, Ephraïm et Manassé, devinrent chefs de tribus. Et de même qu'une tribu tirait son nom de chacun des fils de Jacob, celle de Ruben, de Siméon , de Lévi, de Juda, de Nephthali, de Gad, d'Aser, de Benjamin; ainsi après Joseph, ses enfants, Manassé et Ephraïm, donnèrent leurs noms à deux tribus, et il y en avait une qui s'appelait la tribu d'Ephraïm, et l'autre, celle de Manassé. Or, de ces treize tribus , douze avaient des champs et des revenus nombreux , elles se livraient à l'agriculture et aux autres occupations par lesquelles on se procure les choses nécessaires à la vie ; mais la tribu de Lévi, honorée du sacerdoce, était seule déchargée de ce soin ; on ne s'y livrait pas à l'agriculture, on ne s'y adonnait pas aux arts, ni à rien de semblable; les hommes de cette tribu s'appliquaient uniquement aux fonctions du sacerdoce, et ils recevaient de tout le peuple la dîme du vin, du froment, de l'orge et autres denrées ; tous leur donnaient la dîme , c'étaient là leurs revenus. Les membres des autres tribus ne pouvaient être prêtres. Aaron était de cette tribu privilégiée, je veux dire de celle de Lévi ; ses descendants héritaient du sacerdoce; les Israëlites appartenant aux antres tribus n'y pouvaient point parvenir, ils nourrissaient les Lévites en leur payant la dîme.
Mais, même avant Jacob et Isaac, sous Abraham, lorsque Moïse n'était pas encore, qu'il n'y avait ni loi écrite, ni sacerdoce lévitique institué, ni temple, ni tabernacle, ni tribus distinctes, que Jérusalem n'apparaissait pas, et que rien absolument de ce qui se voit chez les Juifs n'avait commencé, alors existait un certain Melchisédech, prêtre du Dieu trèshaut. Ce Melchisédech était tout ensemble roi et prêtre, car il était la figure de Jésus-Christ, ce que l'Ecriture mentionne très-clairement. Quand Abraham, après avoir attaqué et défait les Perses, et arraché de leurs mains Loth son neveu, revenait chargé des dépouilles des vaincus , l'Ecriture parle à peu près ainsi de Melchisédech : Et Melchisédech, roi de Salem, offrit des pains et du vin; or, il était prêtre du Dieu très-haut, et il bénit Abraham et dit : Béni soit Abraham par le Dieu très-haut qui a créé le ciel et la terre, et béni soit le Dieu très-haut qui a livré tes ennemis entre tes mains. Et Abraham lui donna la dîme de tout. (Genès. XIV, 18-20). Si donc il s'est trouvé quelque prophète pour dire qu'après Aaron et son sacerdoce , et ces sacrifices, et offrandes, il s'élèvera un autre prêtre, non de la tribu de Lévi, mais d'une autre d'où il n'est jamais sorti de prêtre, non selon l'ordre d'Aaron, mais selon l'ordre de Melchisédech, il est bien évident que l'ancien sacerdoce a cessé, et qu'un sacerdoce nouveau lui a été substitué. Car, si l'ancien devait rester en vigueur, il ne fallait pas dire selon l'ordre de Melchisédech, mais selon l'ordre d'Aaron. Qui donc a prédit si nettement l'abolition du sacerdoce d'Aaron? Celui-là même qui, après avoir parlé des sacrifices, dit ceci sur Jésus-Christ : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite. (Ps. CIX, 1.)
