18.
Cette conclusion me fit craindre pour Licentius. Mais lui, gémissant de la difficulté de s'exprimer, et sans chercher aucunement ce qu'il dirait, mais la manière dont il le dirait : Non, répliqua-t-il, Dieu n'aime point le mal, et c'est uniquement parce qu'il serait contraire à l'ordre que Dieu aimât le mal. En même temps il aime beaucoup l'ordre, parce que l'ordre fait qu'il n'aime point le mal. Mais alors comment le mal, lui-même, pourrait-il n'être pas dans l'ordre, puisque Dieu ne l'aime point, et qu'il est de l'ordre que le mal ne soit point aimé de Dieu ? Que Dieu aime le bien et non le mal, est-ce là un ordre de choses qui te paraisse méprisable ? Ainsi, le mal que n'aime point Dieu n'est pas en dehors de l'ordre, et cependant Dieu aime l'ordre : car en l'aimant n'aime-t-il pas à aimer le bien et à n'aimer pas le mal; ce qui est un grand et bel ordre, une disposition divine ? Cet ordre, cette disposition conservent, par la distinction même, l'harmonie des choses , et rendent même nécessaire l'existence du mal. Ainsi la beauté universelle se forme des objets contraires; ils sont comme les antithèses qui nous plaisent dans les discours.
