2.
Mais où est l'esprit assez aveugle qui hésiterait de reporter à la puissance et à l'administration divine tout ce qu'il y a de rationnel dans le mouvement des corps qui échappent aux desseins et à la volonté de l'homme? II faudrait alors qu'on attribuât au hasard la conformation et la mesure si bien combinée et si ingénieuse des membres, même dans les plus petits animaux; ou que l'effet dénié au hasard pût avoir d'autre cause que la raison; ou même que, entraînés par de futiles et ridicules opinions, nous eussions la témérité de soustraire à la direction mystérieuse de la majesté suprême l'ordre due la nature universelle nous fait admirer dans chaque objet particulier, et où n'est pour rien l'industrie humaine.
Mais ce qui est plus gros de questions, c'est que les membres d'un insecte soient admirablement disposés et distingués entre eux, tandis que la vie de l'homme est troublée par l'incessante agitation de tempêtes sans nombre. Ainsi un homme dont la vue serait assez rétrécie pour n'embrasser du regard sur un parquet de marquetterie que le module d'un seul carreau, accuserait l'ouvrier d'avoir ignoré la symétrie et les proportions; incapable d'embrasser dans l'ensemble et dans les détails, ces emblêmes qui concourent à l'unité d'un beau tableau, il prendrait pour un désordre la variété des pierres précieuses. Il n'en est pas autrement de certains hommes peu instruits. Dans l'impuissance où est leur faible esprit d'embrasser et d'envisager la liaison et l'harmonie universelles, ils s'imaginent, quand ils sont blessés d'une chose qui a pour eux de l'importance, que c'est un grand désordre dans l'univers.
