4.
Le M. Réponds-moi donc successivement sur ces pyrrhiques :
Quid erit homo
Qui amat hominem,
Si amet in eo
Fragile quod est?
Amet igitur
Animum hominis,
Et erit homo
Aliquid amans1.
Que penses-tu de ces vers? — L’E. Leur marche est d'une grâce irréprochable. — Le M. Et de ceux-ci :
Bonus erit amor,
Anima bona sit
Amor inhabitat,
Et anima domus.
Ita bene habitat,
Ubi bona domus,
Ubi mala, male2.
L’E. Cette combinaison frappe mon oreille fort agréablement. — Le M. Et celle-ci de trois pieds et demi?
Animus hominis est
Mala bonave agitans.
Bona voluit, habet;
Mala voluit habet3.
L’E. Ces mètres, en interposant un silence d'un temps, sont pleins d'agrément. —Le M. Voici maintenant quatre pyrrhiques complets; écoute et juge :
Animus hominis agit
Ut habeat ea boita
Quibus inhabitet homo,
Nihil ibi metuitur 4.
L’E. La cadence de ces mètres est aussi nettement marquée et non moins agréable. — Le M. Ecoute maintenant neuf syllabes brèves5. Ecoute et juge :
Homo malus amat et eget;
Malus etenim ea bona amat,
Nihil ubi satiat eum6.
L’E. A présent, donne-moi un exemple de cinq pieds. — Le M. :
Levicula, fragilia, bona,
Qui amat homo, similiter habet7.
L’E. Il suffit : je les goûte. A présent, ajoute un demi-pied. — Le M. Le voici :
Vaga, levia, fragilia bona,
Qui amat homo, similis erit eis8.
L’E. Fort bien; à présent j'attends six pieds. — Le M. Les voici :
Vaga, levicula, fragilia bona,
Qui adamat homo, similis erit eis9
L’E. Il suffit. Ajoute un demi-pied. — Le M. :
Fluida, levicula, fragilia bona,
Quae adamat anima, similis erit eis[^10].
L’E. Assez bien : sept pieds, maintenant. — Le M. :
Levicula, fragilia, gracilia bona,
Quae adamat animula, similis erit eis[^11].
L’E. Ajoute un demi-pied. Cette combinaison a sa grâce. — Le M. :
Vagu, fluida, levicula fragilia bona,
Qum adamat animula, fit ea similis eis[^12].
L’E. Il faudrait maintenant huit pieds, c'est tout ce qui reste pour en finir avec ces menus détails. L'oreille a beau approuver, comme par une mesure naturelle, les sons que tu fais entendre, il m'en coûte de te voir en quête de tant de syllabes brèves. Un tel tissu de brèves dans une suite de mots liés entre eux me semble plus difficile à trouver que si l'on pouvait y mêler des longues. — Le M. Tu as parfaitement raison. Et pour te témoigner le plaisir que j'éprouve à me voir enfin sorti de ces riens difficiles, je vais exprimer, dans le seul mètre qui nous reste de cette espèce, celui de huit pieds, une pensée plus heureuse :
Solida bona bonus amat, et ea qui amat babet.
Itaque nec eget amor, et ea bona Deus est[^13].
L’E. J'ai surabondamment des modèles de tous les mètres pyrrhiques. Viennent ensuite les mètres iambiques : il me suffit d'une couple d'exemples pour chacun et j'aimerais à les entendre sans interruption.
(10) L'âme éprise des biens éphémères, frivoles, périssables, finira par leur ressembler.
(11) L'âme faible qui s'attache aux biens légers, fragiles , mesquins, Boit par leur ressembler.
(12) L'âme faible qui s'attache aux biens passagers, éphémères, frivoles, fragiles, finit par leur ressembler.
(13) L'homme de bien aime les biens solides, et qui les aime les trouve. Ainsi l'amour n'éprouve pas de vide, et ces biens sont Dieu même.
Que dire d'un homme qui aime un autre homme, s'il aime en lui des avantages périssables? Que dans un homme il aime donc l'esprit et son amour aura un objet. ↩
L'amour est pur si l'âme est pure ; Vautour veut un séjour; l'âme est sa demeure. Ainsi il trouve un excellent séjour, quand la demeure est excellente ; mauvais, quand elle est mauvaise. ↩
L'esprit de l'homme entretient de bonnes ou de mauvaises pensées : veut-il le bien, il le possède; veut-il le mal, il le possède. ↩
L'esprit de l'homme travaille à conquérir les biens au sein desquels il puisse demeurer : là point d'alarmes. ↩
Ou quatre pieds et demi. ↩
Le méchant aime et est en proie au besoin; car il aime les biens qui sont incapables de le rassasier. ↩
L'homme qui s'attache aux biens passagers et fragiles, troue semblablement ce qu'il cherche. ↩
L'homme qui aime des biens changeants, frivoles, passagers, défendra comme eux. ↩
Même signification. ↩
