30.
Disons maintenant quelques mots du mélange des pieds et de l'assemblage des mètres: je dis quelques mots : car nous sommes déjà entrés dans d'assez longs détails en examinant quels sont les pieds qui s'unissent entre eux, et nous devons nous étendre un peu sur l'assemblage des mètres, en commençant à traiter des vers. Les pieds, en effet, s'unissent et se mêlent entre eux selon des règles que nous avons exposées dans notre second entretien. A ce propos, il est bon de savoir que les différentes espèces de mètres, employées par les poètes, sont dues à l'imagination de certains inventeurs et qu'il nous est interdit d'en modifier certaines règles déterminées : il ne faut, en effet, rien changer aux combinaisons qu'ils ont raisonnablement établies, lors même que nous pourrions le faire sans choquer la raison ni blesser l'oreille. Or, en cette matière, il faut consulter, non la théorie, mais la tradition, et se soumettre plutôt à l'autorité qu'au raisonnement. Nous ne pouvons pas en effet savoir logiquement que je ne sais quel Phaliscus a combiné deux mètres, de façon à produire cette cadence :
Quando flagella ligas, ita liga,
Vitis et utmus uti simul eant1.
C'est une connaissance à laquelle on arrive par la tradition et la lecture. La question d'art, la seule qui soit de notre ressort, est d'examiner si ce mètre se compose de trois dactyles et d'un pyrrhique final, comme le veulent plusieurs personnes étrangères à la musique.
Elles ne s'aperçoivent pas que le pyrrhique va mat après le dactyle; elles ignorent que, d'après les lois de la musique, le premier pied de ce mètre est un choriambe , le second, un ionique, dont la longue se décompose en deux brèves, le dernier, un iambe suivi d'un silence de trois temps: Les personnes à demi instruites pourraient sentir cette nuance, si elles voyaient un vrai musicien débiter ces vers et en marquer la mesure régulièrement. Car le bon sens leur permettrait d'apprécier tout naturellement ce qui est vraiment conforme aux règles de l'art.
Quand tu entrelaces de jeunes plants, marie-les de façon que la vigne et l'ormeau puissent croître ensemble. ↩
