CHAPITRE V. D'OU VIENT QUE LES DÉMONS ANNONCENT L'AVENIR.
9. Les choses étant ainsi, il faut savoir tout d'abord, en cette question de la divination par les démons, que le plus souvent ils prédisent ce qu'eux-mêmes doivent faire. Car souvent ils reçoivent le pouvoir d'envoyer les maladies, de rendre l'air malsain en l'infectant, de conseiller le mal aux hommes déjà pervertis ou trop amis des avantages terrestres, et dont les tristes moeurs leur donnent la certitude d'un consentement absolu à leurs perfides conseils. Et ces suggestions, ils les produisent par mille procédés aussi étonnants qu'invisibles, en pénétrant par leurs corps si subtils dans les corps des hommes qui ne s'en doutent point, en se mêlant à leurs pensées par des images et des fantômes dans l'état de veille ou dans le sommeil.
Quelquefois aussi leur prédiction n'a pas pour objet ce qu'ils font eux-mêmes, mais ce dont ils présagent l'avenir d'après certains signes naturels, signes que nos sens humains ne peuvent percevoir. On ne regardera pas comme un devin, par exemple, le médecin qui prévoit certains faits que ne voit point d'avance l'homme étranger à son art. Or, faut-il s'étonner que comme le médecin prévoit d'après une perturbation ou d'après une amélioration du tempérament humain, notre santé à venir, bonne ou mauvaise; ainsi le démon, d'après certaine disposition ou règle de l'air qu'il connaît, lui, et qui nous échappe, prévoie les variations du temps?
Parfois même, les démons apprennent très-facilement les dispositions intimes des hommes1, non-seulement quand notre langue les déclare, mais même quand notre pensée les a simplement conçues, si toutefois certains signes de notre corps les ont exprimées et trahies hors de notre esprit. De là, bien des prédictions de choses à venir, étonnantes pour d'autres personnes qui ne connaissent pas ces dispositions secrètes. En effet, comme un mouvement trop vif de notre âme se reflète sur notre visage, de façon que nos semblables reconnaîtront à ces traits extérieurs ce qui se passe en notre intérieur; ainsi ne doit-il pas paraître incroyable que des pensées même plus calmes donnent sur notre corps certains signes que le sens moins délicat des hommes ne peut saisir, tandis qu'il peut l'être par le sens bien plus pénétrant des démons.
Voir 2e livre des Rétractations, chap. XXX. Consultez aussi le let livre contre les Académiciens, chap. VI et VII, n. 16-21. ↩
