II.
Gardez-vous de penser, mes frères, qu'en vous tenant ce langage, nous nous abusions jusqu'au point de croire que ceux qui demeurent dans- le schisme, puissent aucunement reposer leur espérance dans le Seigneur. Plusieurs discutent sans comprendre la portée de leurs paroles, et disent : Puisqu'ils sont schismatiques , puisqu'ils sont hérétiques , pourquoi donc les accueillir avec tant de bienveillance? Mes frères, écoutez. Si nous les recevions, nous recevrions également notre frère Emérite ; qu'il soit bon ou mauvais, il est toujours notre frère. J'insiste sur cette dénomination, parce qu'il sait lui-même que c'est à nous que le Prophète adresse ces paroles, que nous avons rappelées aussi dans la conférence: « Dites à ceux qui vous haïssent « Vous êtes nos frères1 ». Ils nous ont haï, mais nous croyons que cette haine doit disparaître; toutefois, fût-il notre ennemi, c'est un frère qui nous écoute ; jusqu'à ce que la haine soit éteinte, le nom seul doit mus servir de témoignage. Loin de nous, dès lors, de les recevoir en leur propre qualité ; ce sont des hérétiques, et nous les recevons quand ils sont catholiques; dès qu'ils changent, nous les accueillons. Parce qu'ils sont mauvais, nous ne pouvons pas attaquer le bien que nous leur connaissons. La division, le schisme, l'hérésie, tel est le mal qui leur est personnel; quant aux biens qu'ils possèdent, ils ne leur sont pas personnels, car ce sont les biens de Notre-Seigneur, ce sont les biens de l'Eglise. Le baptême ne vient pas d'eux, mais de Jésus-Christ. L'invocation du nom de Dieu sur leur tête, quand ils reçoivent l'ordination épiscopale , n'est pas l'invocation de Donat, mais l'invocation de Dieu. Je ne reconnais pas pour évêque celui sur la tête duquel on a invoqué le nom de Donat. Quand un soldat quitte son armée, il est coupable du crime de désertion, mais le caractère qu'il porte gravé sur son front n'est pas celui de déserteur, c'est le caractère même de l'empereur. Or, notre frère n'a pas déserté, puisqu'il n'a jamais été des nôtres ; l'erreur ou le crime de la désertion est né en lui, puisqu'il a été marqué par un déserteur. Le premier qui a fait schisme, celui qui le premier s'est séparé de l'Eglise catholique, c'est celui-là qui a été déserteur, lui et tous ceux qu'il a entraînés à sa suite: tous les autres ont été marqués par les déserteurs; toutefois, ce n'est pas le caractère du déserteur qu'ils ont reçu, mais celui du Chef suprême. Est-ce que le déserteur peut imprimer à un autre son propre caractère? Que dis-je ? Pourquoi demander si un déserteur a imprimé son propre caractère? Donat n'a pas baptisé au nom de Donat. Si, après son schisme, il avait baptisé au nom de Donat, il n'aurait eu d'autre caractère à imprimer que celui de déserteur; et quand j'invite ses disciples à rentrer dans l'unité, si je rencontrais en eux le caractère du déserteur, je l'effacerais, je l'exterminerais, je le détruirais, je le couvrirais de réprobation, de honte, d'anathème et d'une condamnation solennelle. Mais si le déserteur a imprimé un caractère, c'est celui du Chef suprême. Jésus-Christ notre Seigneur et notre Dieu, cherche le déserteur, efface le crime de l'erreur, mais ne détruit pas son caractère. Quand je m'approche de mon frère, et que je l'accueille après les égarements de (630) son erreur, j'interroge sa foi au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. C'est là le caractère de mon Général suprême. C'est en vue de ce caractère qu'il adressait à ses soldats, ou plutôt à ses aides de camp, cet ordre formel : « Allez, baptisez les nations au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit2 ». L'Apôtre savait que c'est là le caractère qui doit être imprimé dans tous ceux qui croient; voilà pourquoi il adresse ce reproche à ceux qui se disaient appartenir à Paul : « Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous? » Pourquoi vouloir m'appartenir, plutôt que d'appartenir à mon Maître ? Pourquoi vouloir être à moi, plutôt que d'être à Celui à qui je suis moi-même ? Reconnaissez, considérez votre caractère. « Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés3? » En recueillant les uns, nous rappelons à ceux que nous ne recueillons pas, qu'ils ne doivent passe flatter de vaines illusions. Qu'ils se laissent recueillir et qu'ils ne s'enflent pas d'orgueil ; qu'ils viennent et qu'ils soient reçus. Nous ne haïssons pas en eux ce qui vient de Dieu; nous ne les haïssons pas eux-mêmes, puisqu'ils sont l’oeuvre de Dieu. Ce qu'ils ont ne peut leur venir que de Dieu ; ils sont de Dieu, puisqu'ils sont hommes et que tout homme 'est la créature de Dieu. C'est de Dieu qu'ils ont reçu le nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit : le baptême de la Trinité, c'est Dieu qui le donne; l'Evangile qu'ils ont, la foi qu'ils possèdent, c'est Dieu seul qui leur a fait ces dons.
