26.
Ici se présente une autre question dont la solution, loin d'être à mépriser, doit être entreprise et cherchée avec le secours de Dieu qui tient dans ses mains nous et nos discours1. Par rapport à ce don de Dieu que nous appelons la persévérance finale, on nous demande quelle application nous pouvons en faire au premier homme gui a été créé sans aucun vice, et dans une complète innocence. Je ne dis pas : S'il n'a point eu la persévérance, comment a-t-il pu être créé sans vice, puisqu'il a été privé d'une grâce aussi nécessaire? A cette question la réponse est facile : Il n'a point eu la persévérance, parce qu'il n'est point demeuré dans ce bien qui pour lui n'était mêlé d'aucun vice; car celui qui l'a fait tomber ne survint en lui que plus tard, et avant que ce vice survînt à Adam il n'y en avait aucun dans sa nature. Autre chose est de ne pas avoir de vice, autre chose est de ne point persévérer dans cette bonté qui ne connaissait aucun vice. Car, par cela même que l'on ne dit pas qu'il soit toujours demeuré sans vice, et que l'on affirme au contraire qu'il n'est pas demeuré sans vice, on prouve assez clairement qu'il était sans vice quand il possédait ce bien qu'on lui reproche d'avoir quitté.
La grande difficulté, c'est donc de répondre à ceux qui disent : « Si dans cette rectitude originelle le premier homme avait reçu le bienfait de la persévérance, il est impossible qu'il n'ait pas persévéré; et s'il a persévéré il n'a pas péché, et par là même il est resté uni à Dieu et doué de la rectitude primitive. Or, la vérité proclame qu'Adam a péché et qu'il a perdu l'innocence et la rectitude originelle. Donc il avait cette rectitude sans avoir la persévérance; et s'il ne possédait pas la persévérance, c'est qu'il ne l'avait point reçue; comment, en effet, s'il avait eu la persévérance, n'aurait-il pas persévéré ? D'un autre côté, si c'est parce qu'il ne l'avait point reçue qu'il n'a pas eu la persévérance, comment son défaut de persévérance peut-il être un crime, puisqu'il n'avait point reçu la persévérance? On ne peut pas dire qu'il n'avait point reçu la persévérance, parce que la grâce ne l'avait pas séparé de la masse de perdition. Car avant le péché d'Adam il n'y avait encore dans le genre humain aucune masse de perdition qui pût vicier notre nature dans son origine ».
Sag. VII, 16. ↩
