9.
Nos adversaires ajoutent : « Voici ce que dit l'Apôtre : Qui donc met de la différence entre vous? Qu'avez-vous que vous ne l'ayez reçu ? Mais si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glorifier, comme si vous ne l'aviez pas reçu1 ? Pourquoi donc nous corriger, nous reprendre, nous réprimander, nous accuser? Que faisons-nous, nous qui n'avons rien reçu? » Ceux qui tiennent ce langage voudraient se croire innocents de toutes les désobéissances dont ils se rendent coupables envers Dieu , sous prétexte que l'obéissance est elle-même un don de Dieu. Or, cette obéissance doit se trouver nécessairement dans celui qui possède cette charité, qui vient assurément de Dieu2, et que le Père donne à ses enfants. « Pourtant », disent. ils, « nous n'avons pas reçu cette obéissance; pourquoi donc nous corriger comme si nous pouvions nous la donner à nous-mêmes, et que nous refusions de nous faire ce présent? » Ils ne remarquent pas que, s'ils ne sont point encore régénérés, il existe une cause première qui les rend désobéissants envers Dieu, et coupables à leurs propres regards, puisque Dieu a fait l'homme droit dès le commencement3, et qu'en Dieu il ne saurait y avoir d'iniquité4. Par conséquent, c'est de l'homme que vient la première culpabilité qui le rend désobéissant envers Dieu; car en perdant, par l'effet de sa volonté mauvaise , la droiture dont le Seigneur l'avait originairement doué, il s'est dépravé et rendu coupable. Dira-t-on que cette dépravation ne doit pas être corrigée dans l'homme, parce qu'elle ne lui est pas personnelle, et qu'elle est commune à tous? Je dis au contraire que l'on doit corriger en chacun ce qui est commun à tous. Parce que cette dépravation est le triste apanage de tous, dira-t-on qu'elle ne l'est de personne en particulier? Le péché originel est pour nous personnellement un péché étranger, parce qu'il nous est transmis par nos parents; mais il nous devient personnel à chacun, dans ce sens que « tous ont péché dans un seul », comme parle l'Apôtre5. On doit donc nous reprocher notre origine condamnable, afin que la douleur produite par ce reproche engendre le désir de la régénération, pourvu cependant que celui à qui s'adresse ce reproche soit l'enfant de la promesse, car pour celui-là, Dieu se sert du frémissement extérieur de la correction, afin de faire naître en lui, par une inspiration mystérieuse, le vouloir et le parfaire. Mais si le fidèle, après sa régénération et sa justification, retombe dans le péché par le fait de sa propre volonté, il ne lui est plus possible de dire : Je n'ai pas reçu la grâce, car cette grâce il l'a perdue par la dépravation de son libre arbitre. Enfin, si les reproches qui lui sont adressés soulèvent dans son coeur les gémissements du repentir, et le replacent dans la voie des bonnes œuvres, et peut-être d'une véritable perfection, ne sera-t-il pas évident que la correction lui a été très-utile? Du reste, toute correction humaine, qu'elle se fasse oui ou non par charité, ne peut profiter au coupable, qu'autant que Dieu même l'appuie et la féconde.
