28.
De même l'homme fut doué du libre arbitre, et quoiqu'il ignorât sa chute future, il était cependant heureux, parce qu'il sentait qu'il avait le pouvoir de ne pas mourir, et de ne point tomber dans l'infortune. Si, par son libre arbitre, il eût voulu persévérer dans cet état de rectitude et d'innocence, sans avoir fait l'expérience de la mort et de l'infortune, il eût reçu, comme récompense de sa persévérance, cette plénitude du bonheur qui constitue l'un des caractères de la félicité des anges, je veux dire la certitude bien connue par lui de ne pouvoir jamais déchoir de sa grandeur. Il règne au ciel un bonheur complet et sans nuage; or, même dans le ciel, on ne pourrait être heureux, si l'on y était poursuivi parla crainte de tomber dans le crime et l'infortune. Mais parce que, abusant de son libre arbitre, l'homme s'est révolté contre Dieu, il a été frappé d'une juste condamnation, qui du coupable devait s'étendre à toute sa race, dont il était le représentant et comme le résumé. Parmi ses descendants, ceux qui sont délivrés par la grâce de Dieu, sont également délivrés de la condamnation qui pesait sur eux par le fait même de leur origine. Par conséquent, supposé que nul ne fût délivré, personne n'aurait le droit d'accuser Dieu d'injustice. Or, si les élus sont en petit nombre, comparativement aux réprouvés, toujours est-il qu'en soi ce nombre est très-grand ; et quant à la grâce qu'ils obtiennent, elle est purement gratuite et mérite de leur part la plus vive reconnaissance, de telle sorte que personne ne se prévale de ses propres mérites, qu'il ne s'échappe aucune parole d'orgueil1, et que celui qui se glorifie se glorifie uniquement dans le Seigneur.
Rom. III, 19. ↩
