XI.
Tant de fléaux ne peuvent ramener parmi nous les bonnes moeurs; au milieu des coups multipliés de la mort, personne ne songe qu’il est mortel. Partout le mouvement, la violence, la rapine. On vole ouvertement, sans hésitation, sans crainte. On vole comme si c’était une chose permise, recommandée; comme si celui qui s’en abstient se privait d’un droit justement acquis. Les brigands ont quelque honte de leurs crimes; ils choisissent des gorges solitaires, des lieux déserts; ils cachent leurs forfaits dans les ombres de la nuit. Mais ici, la cupidité marche le front levé et, forte de sa propre audace, elle exerce ses fureurs au grand jour et en plein Forum. De là les faussaires, les empoisonneurs, les assassins dont la violence croît avec l’impunité. Un homme pervers commet un crime, et il ne se trouve pas un innocent pour le venger. Les accusateurs et les juges n’inspirent plus aucune crainte. Les méchants demeurent impunis, parce que les hommes modérés se taisent, que les témoins tremblent, que les juges vendent leurs arrêts.
Aussi le prophète nous avertit que Dieu peut écarter les maux dont nous sommes accablés; mais qu’il en est empêché par nos crimes. Est-ce que la main de Dieu n’est pas assez forte vous sauver? Est-ce que son oreille est sourde à votre prière? Mais vos péchés ont mis entre lui et vous un mur de séparation. C’est à cause de vos fautes qu’il détourne de vous sa (257) face, pour ne pas vous faire miséricorde (Is., LIX.). Comptez donc vos péchés et vos prévarications; sondez les blessures de votre conscience, et cessez de vous plaindre de Dieu ou des chrétiens. Si vous souffrez vous l’avez mérité.
