CHAPITRE III
[1] Au cours de la seconde année, la guerre dirigée contre nous devint plus vive. Le gouverneur de la province de ce pays était Urbain. Des édits impériaux arrivèrent pour la première fois qui ordonnaient d'une façon générale à tous universellement de sacrifier dans les villes et défaire des libations aux idoles. Timothée, à Gaza, ville de Palestine, supporta de nombreux tourments, puis fut brûlé lentement à petit feu. Il donna une preuve très héroïque de sa très courageuse piété envers la divinité par sa constance à tout endurer et il remporta la couronne des athlètes vainqueurs dans les jeux sacrés de la religion. Avec lui, Agapius et Thêcle, notre contemporaine, montrèrent une très courageuse résistance ; ils furent condamnés à être mangés par les bêtes. [2] Qui a vu ce qui suit sans étonnement ? ou qui l'a entendu raconter sans en être frappé? C'était, en effet, une fête générale 181 des gentils et on avait fait passer les spectacles accoutumés, quand ce fut un bruit répandu et intense qu'après ce qui avait été d'ailleurs préparé pour la foule, ceux qui avaient été récemment condamnés aux bêtes donneraient eux aussi un combat. [3] La rumeur augmente et parvient à tous. Six jeunes gens, dont l'un était du Pont par sa race et se nommait Timolaüs, l'autre était de Tripoli de Phénicie et s'appelait Denys; un autre, sous-diacre de l'église de Diospolis, Romulus était son nom ; de plus, deux étaient Egyptiens, Paésis et Alexandre ; puis un autre Alexandre, homonyme de celui-ci, était de Gaza. Urbain allait monter au spectacle de la chasse. Ils se firent d'abord lier les mains, comme pour marquer leur extrême désir du martyre, et ils se mirent à courir vers lui, disant hautement qu'ils sont chrétiens, et montrant par leur préparation à subir toutes les cruautés que ceux qui se font gloire de leur piété envers le Dieu de l'univers ne redoutent pas l'assaut des bêles féroces. [4] Tout d'abord, après avoir mis dans une surprise peu ordinaire le gouverneur et ceux de sa suite, ils furent enfermés en prison ; puis, peu de jours après, deux autres leur furent adjoints. L'un avait antérieurement déjà combattu au milieu de tourments terribles et variés dans une autre confession : il s'appelait lui aussi Agapius ; l'autre avait pourvu aux besoins de leur-corps et se nommait également Denys. En tout, ils étaient arrivés au nombre de huit, et. en un seul jour, dans la même ville de Césarée, ils eurent la tête 183 tranchée, au mois de Dystre, le vingt-quatrième jour, qui se trouve être le neuvième avant les calendes d'avril.
[5] Alors il y a un changement parmi les maîtres. Celui des empereurs qui était supérieur à tous et celui qui tenait le second rang après lui passent à la situation d'hommes privés, et les affaires publiques commencent à aller mal. [6] Peu après, l'empire romain est divisé contre lui-même, et une guerre sans trêve s'élève entre les citoyens. La discorde aussi bien que les troubles qui l'accompagnèrent, ne prirent fin que lorsque la paix qui nous concernait fut procurée à tout le pays situé sous la domination romaine. [7] Elle se leva pour tous comme une lumière sort d'une nuit sombre et très ténébreuse, et de nouveau les affaires publiques de l'empire furent dans la stabilité, l'harmonie et la paix. On y retrouvait la bienveillance réciproque des ancêtres. Mais décela, nous ferons en temps opportun un récit plus complet. Reprenons maintenant la suite des événements successifs.