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« Qui peut connaître toute la force de votre colère, et combien nous devons craindre votre indignation? » Nous lisons dans les Septante « Qui peut connaître la grandeur de votre colère, et en comprendre la mesure autant qu'elle est redoutable ? » Il y a ici quelque différence entre le texte hébreu et la version des Septante: celle-ci dit « qu'on ne peut comprendre la mesure de la colère de Dieu, ni combien elle est redoutable; ,mais, selon l'hébreu, on doit joindre ces paroles avec le verset suivant, où nous conjurons Dieu de nous faire connaître la mesure de notre vie et le nombre de nos jours. Voici en peu de mots comment on doit expliquer cet endroit : Qui peut comprendre, ô mon Dieu, si vous n'avez la bonté de nous en instruire vous-même, quelle mesure et quelles bornes vous donnez à votre colère, qui parait si redoutable à tout le genre humain? Faites-nous donc connaître, je vous prie, combien de temps nous devons vivre sur la terre, afin qu'éclairés par les lumières de votre sagesse, nous nous tenions prêts pour paraître devant votre redoutable. tribunal. « Qui peut comprendre la force» on «la grandeur de votre colère, et combien nous devons craindre votre indignation ? » c'est-à-dire : Combien est-il difficile de comprendre par quel motif et pour quelles raisons Dieu se met en colère contre les hommes et parait si redoutable à leurs yeux? C'est ce qui faisait dire au prophète-roi : « Seigneur, ne me reprenez pas dans votre colère, et ne me punisses pas dans votre fureur. » Car Dieu ne nous punit pas pour nous perdre et pour nous donner la mort, mais pour nous corriger et nous faire revenir de nos égarements. C'est pour cela qu'il dit dans le prophète Osée « qu'il ne se mettra plus en colère contre le peuple juif, sut qui il avait souvent exercé ses vengeances, et qu'il ne punira plus leurs femmes lorsqu'elles s'abandonneront au libertinage. » Il dit aussi, parlant à la ville de Jérusalem par la bouche du prophète Ezéchiel : « Je ferai cesser mon indignation à votre égard, mon zèle et ma jalousie se retireront de vous. » C'était dans ces dispositions qu'étaient ces Israélites qui, selon le livre des Paralipomènes, allaient combattre l'ennemi avec un cœur qui ne respirait que la paix.
« Faites-nous connaître quelle est la mesure de nos jours, et nous viendrons à vous avec un cœur éclairé par la sagesse. , Il y a dans les Septante : « Faites enfin éclater la puissance de votre droite, et instruisez notre cœur par la vraie sagesse. » Aquila, Symmaque et la cinquième version portent : « Faites-nous connaître la durée de nos jours, en sorte que nous venions à vous avec un cœur sage. » Il est aisé de voir pourquoi les Septante ont traduit « votre droite» au lieu de « nos jours ; » car le mot hébreu jamenu est un mot qui signifie : nos jours. Quand on l'écrit au singulier avec un men à la fin, il veut dire : la droite, comme dans le nom de Benjamin, qui signifie : le fils de la droite; mais lorsque ce mot finit par un men, il veut dire : le jour, ou : les jours. Or, voici comment on doit expliquer cet endroit : Faites-nous connaître, Seigneur, quelle doit être la mesure de nos jours et de nos années et les bornes que vous avez prescrites à notre vie, afin que nous nous tenions prêts pour votre avènement et que, renonçant aux vaines chimères dont les hommes ont coutume de se repaître, nous ayons de l'empressement de vous voir et d'aller au-devant de vous avec un cœur éclairé et conduit parles lumières de la véritable sagesse. En effet, il n'est rien sur quoi les hommes se trompent davantage et se fassent plus souvent illusion que sur le nombre de leurs années et la durée de leur vie. Quoiqu'ils n'en connaissent ni les bornes ni les mesures, ils ne laissent pas de compter sur une longue suite d'années; ce qui a fait dire, à un ancien qu'il n'est point de vieillard, quelque usé qu'il puisse être, qui ne se flatte de l’espérance chimérique de vivre du moins encore une année. L'explication que nous venons de donner aux paroles du prophète revient à ce que dit l’Ecriture : « Souvenez vous que vous devez mourir, et vous ne pécherez point. » En effet, une âme qui a sans cesse la mort devant les yeux, et qui ne perd jamais de vue ce moment fatal, n'a que du mépris pour toutes les choses présentes, et tourne du côté de l'éternité toutes les pensées de son esprit et tous les discours de son cœur. C'est ce qui fait dire à David dans un autre endroit : « Ne me rappelez pas, Seigneur, lorsque je ne suis encore qu'à la moitié de mes jours, et avant que je parte et que je ne sois plus, » c'est-à-dire : Ne permettez pas que je meure dans le temps que je me flatte d’une plus longue vie, et donnez-moi le temps d'expier mes péchés par la pénitence ; car si une mort imprévue et précipitée vient me surprendre en un état de péché, je cesserai d'être, et il n'y aura plus de ressource pour moi. Ce n'est pas que ce prophète eût perdu toute espérance de ressusciter un jour , mais il voulait nous donner à entendre par là que les pécheurs qui persévèrent dans leurs crimes honteux sont aux yeux de Dieu comme s'ils n'étaient pas.
