8.
« Les jours de tous nos tans ne vont ordinairement qu'à soixante et dix années; c'est beaucoup,si nous allons jusqu'à quatre-vingts; le surplus n'est que peine et que douleur. » Nous lisons dans les Septante : « Les jours de tous nos ans ne vont ordinairement qu'à soixante et dix années. Que si les plus forts vivent jusqu'à quatre-vingts ans, le surplus n'est que peine et que douleur. » Toute notre vie donc, à la considérer dans toutes: les saisons et tons les âges où nous sommes capables d'en goûter les douceurs, ne peut aller que jusqu'à soixante et dix ans, et c'est beaucoup; ou, comme traduit Symmaque , c'est contre notre attente et notre espérance si elle va jusqu'à quatre-vingts ans. Que si nous allons au-delà, nous nous trouvons accablés d'une infinité de maladies et d'infirmités qui sont inséparables de la vieillesse : la vue s'affaiblit, les dents nous font mal ou tombent d'elles-mêmes; enfin nous sommes sujets à toutes les misères dont le sage nous fait une triste peinture dans l'Ecclésiaste : « Il viendra, » dit-il, « un temps d'affliction, et vous verrez approcher des années dont vous direz ce temps me déplaît. Le soleil, la lune et les étoiles s'obscurciront pour vous, et les nuées retourneront après la pluie. C'est alors que les gardes de la maison commenceront à trembler, que les hommes les plus forts s'ébranleront , que celles qui avaient accoutumé de moudre seront réduites en petit nombre, et que ceux qui regardaient par les trous seront couverts de ténèbres. C'est alors qu'on fermera les portes de la rue , que la voix de celle qui avait accoutumé , de moudre sera faible, qu'on se lèvera au chant de l'oiseau et que les filles de l’harmonie deviendront sourdes. Elles auront même peur des lieux élevés, et elles craindront en chemin. L'amandier fleurira, la sauterelle s'engraissera et les câpres se dissiperont, parce que l’homme s'en ira dans la maison de son éternité et qu'on marchera en pleurant autour des places, jusqu'à ce que la chaîne d'argent soit rompue, que la bandelette d'or se retire, que la cruche se brise sur la fontaine et que la roue se rompe sur la citerne , que la poussière rentre en la terre d'où elle avait été tirée, et que l'esprit retourne à Dieu qui l'avait donné. «Vanité des vanités!» dit l'Ecclésiaste, « tout est vanité. » Voilà la peinture que Salomon fait de toutes les misères de la vie humaine, et particulièrement de la vieillesse, comme je l'ai expliqué ailleurs1.
Quelques interprètes expliquent ce verset du Psalmiste dans un sens allégorique, et par rapport au sabbat et à la circoncision. Ils disent qu'après avoir goûté sous la loi le repos du sabbat, nous recevrons dans le temps de l'Evangile la véritable circoncision; et ils tâchent de prouver leur. sentiment par ces paroles, du sage : « Faites en part à sept et à huit personnes », et par ces soixante et dix mille et quatre-vingt mille ouvriers qui furent employés à la construction du temple de Salomon; mais à quoi bon chercher tant de mystères dans un passage que l'on peut expliquer simplement, et où l'on doit avoir en vue d'instruire le lecteur, et non pas de faire un vain étalage de sa science et de son érudition?
« Parce que nous n'avons fait que passer et nous nous sommes envolés. » Il y a dans la version des Septante: « Et c'est même par un effet de votre douceur que vous nous corrigez de cette sorte. » Le mot grec en cet endroit signifie non-seulement : corriger, mais aussi enseigner et instruire; car « le Seigneur châtie» ou « instruit celui qu'il aime, et il frappe de verges tous ceux qu'il reçoit au nombre de ses enfants. » Voici comment Symmaque a traduit ce verset du Psalmiste : « On nous coupe tout d'un coup, et nous nous envolons. » La cinquième version porte : « Nous n'avons fait que passer, et nous sommes déliés; » c'est-à-dire Après soixante et dix ou tout au plus quatre-vingts ans de vie, notre âme venant à se séparer du corps, nous nous envolons et nous nous dissipons comme le vent; ou, parce que le prophète avait comparé ci-dessus la vie de l’homme à une belle fleur qui s'épanouit le matin et qui se sèche sur le soir, l'interprète, au lieu de dire qu'elle « se sèche,» dit qu'on la « coupe » tout d'un coup. Le sens de la cinquième version est que notre vie ne fait que passer, et qu'une mort imprévue et précipitée vient tout à coup nous dégager des liens du corps. Quant à la version des Septante, qui porte : « Et c'est même par un effet de votre douceur que vous nous corrigez de la sorte, , voici comment on doit l'expliquer. Lorsqu'après soixante et dix ou quatre-vingts ans de vie le jour de notre mort s'approchera, le Seigneur nous traitera avec douceur, et nous jugera non pas selon nos mérites, mais selon sa bonté et ses miséricordes, de manière que son jugement sera pour nous une instruction plutôt qu'un châtiment. Au reste je ne comprends pas pourquoi les Septante, Théodotien et l'auteur de la sixième version ont traduit le mot hébreu ais par le mot : douceur, vu que Symmaque, Aquila et l'auteur de la cinquième version l'ont exprimé par celui de promptitude, de célérité et de précipitation.
Dans les Commentaires sur l'Ecclésiaste. ↩
